Shovel Knight : une idée à creuser

Que l’on excuse tout d’abord le pitoyable jeu de mot donné en titre à cet article : mais bien qu’il ait été fait je-ne-sais-quoi combien de fois, je me devais d’y passer tant le jeu lui-même n’est pas avare en calembours. Shovel Knight est en effet un jeu drôle, et c’est bien là la moindre de ses qualités.

C’est une fois sorti sur WiiU que je me piquai de jouer à Shovel Knight. Je ne conçois effectivement les platformers que dans le creux de mon canapé, une manette à la main, l’œil aigu ; et la disposition de mon appartement m’empêche d’atteindre cette configuration sur mon ordinateur. Quoi qu’il en soit, j’eus le temps de le faire – et de bien le faire ! – en trois ou quatre jours. Et cela surprendra peut-être ceux qui ont coutume de me lire ici, mais je n’ai rien, rien, rien à reprocher au jeu. Cela doit faire, bon an, mal an, plus de vingt-cinq ans que je joue de façon régulière, et si j’ai déjà eu l’occasion, par le passé, de pinailler et d’aller à contre-courant des voix unanimes, je ne peux qu’être humble et admiratif, devant un titre aimable, dans le sens fort du terme.

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C’est l’histoire d’un mec, avec sa pelle…

La première fois que j’ai entendu parler de Shovel Knight, au tout début de sa campagne Kickstarter, je me souviens m’être étonné et d’avoir été intrigué, déjà, par son principe premier : un chevalier en armure armé d’une pelle. Boum, faisons un jeu comme ça ! La chose était (et est) aussi incongrue qu’elle ne peut que plaire. Il y en a, ainsi et comme Super Meat Boy pour ne citer que lui, qui utilisent le rétro que comme un habillage, comme un miroir aux alouettes ; et il y en a d’autres qui ont compris sa quintessence, son imbécillité fondamentale et récréative, celle-là même qui nous a amené à diriger un plombier, un hérisson, une chauve-souris, armé d’une canne, d’un parasol ou d’un frisbee. Au milieu des flingues, des épées, des voitures, le concept même ne peut que plaire.

Fort heureusement, Shovel Knight est bien plus qu’une simple promesse : et il développe on ne peut mieux son idée, non seulement du point de son gameplay, en nous demandant de creuser, de renvoyer les projectiles, de se prendre pour Picsou dans Duck Tales, mais également en organisant tout son univers autour de ces chevaliers qui rivalisent d’ingéniosité et de caractère.

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Aussi, les huit knights de faire penser, évidemment, aux robot-masters de Megaman : mais les premiers les dépassent en humour, ayant chacun une personnalité très marquée, et même si on ne peut manquer de tracer des parallèles évidents, on se surprend à les considérer comme de véritables avatars et non pas comme des opposants génériques, interchangeables à l’envi.

Le monde lui-même, par petites touches, se dévoile et on est de même surpris de rentrer, pieds et poings liés, au sein de cette campagne médiévale fantasmée et de s’amouracher de Shield Knight et de sa tragique destinée. Ces petites séquences oniriques où nous devons la « rattraper » alors qu’elle chute font à présent partie du panthéon du jeu vidéo, rejoignant le front de mer avec Marine de Link’s Awakening et les tournesols de Mother 3, et créent une émotion infiniment plus forte que les films interactifs que l’on nous sert et ressert, à la nausée, de nos jours.

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Il y a du Quichotte, dans ce jeu, et il est difficile de croire que la référence ait parfaitement échappé aux développeurs : Shovel Knight le bien-nommé d’être cet équivalent vidéoludique du Chevalier de la Manche, qui aurait troqué son plat à barbe pour une pelle et Rossinante pour une catapulte. Mais cette parodie, assumée de bout en bout, devient son propre petit univers avec ses propres règles et sa propre logique, et jamais ne me suis-je senti « trahi » par son écriture ou par l’incongruité de ses situations. Alors que l’on peut souvent, en regardant un film, en lisant un livre, en jouant, se sentir sortir de l’histoire par une inconsistance ou une médiocrité, Shovel Knight ne prend, au grand jamais, le joueur pour une bille, n’en témoigne que le « twist » de l’aventure, que l’on voit arriver des lieues à l’avance… et que les personnages connaissent tout comme nous.

Je ne sais alors si Pierre Ménard est derrière cette histoire, mais je pense qu’il aurait été heureux de voir que les réécritures malignes existent encore de nos jours.

C’est un casque.

J’ai dit plus haut que Shovel Knight avait le fond du rétro, cela est vrai jusqu’à un certain point cependant : soucieux de tout, il sait également reconnaître les défauts inhérents à cette période première du jeu vidéo et sait alors proposer des alternatives. Ainsi en va-t-il des points de sauvegarde, très nombreux mais qui peuvent être détruits à discrétion au profit de quelques gemmes mais pour un challenge plus grand ; ainsi en va-t-il des reliques, très facilement trouvées, qui permettent de se rendre invincible, de franchir aisément les gouffres, de rendre un combat plus facile ; ainsi en va-t-il de la difficulté, progressive et agréable, et qui permet à tout un chacun de voir la fin de l’aventure.

Si le challenge, ici, est néanmoins présent notamment dans le dernier tiers de l’aventure (le donjon final, ainsi que les stages de Polar Knight et de Propeller Knight surprennent toujours la première fois), il est surtout grandement laissé à l’appréciation du joueur qui en profitera, au détour d’un New Game +, pour ne pas augmenter ses points de vie ou de magie et pour se dispenser des améliorations de la pelle ou de son armure et, ainsi, se faire un menu à ses goûts.

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Des plaines riantes aux tours macabres en passant par les galeries piégées et les cimetières obscurs, l’aventure de Shovel Knight est belle, tant graphiquement avec ses nombreux effets de pluie, de lumière, de vitesse, que musicalement. Certaines compositions, au hasard celles de Mole Knight, de Plague Knight ou de Treasure Knight, font à présent de mes favorites, tous genres et époques confondus.

Plaisir des yeux, plaisir des oreilles, plaisir des mains : c’est là un plat complet, riche, incroyable. Comment une production dite « indépendante » peut-elle faire ainsi la nique aux créations industrielles, pleines d’argent et de marketing ? En réalité, la seule chose que l’on pourrait guère reprocher à Shovel Knight, c’est qu’on en voudrait plus, bien plus ! M’aurait-on donné une « second quest », avec huit autres chevaliers, que n’aurais-je pas été déçu.

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Je sais que ce n’est guère dans mes habitudes que de pousser au vice, mais achetez Shovel Knight. Des jeux comme ça, c’est à vous redonner confiance en la vie.

Mathieu

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Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.

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