Portal 2 m’a déçu

Jusqu’à présent, quand je voulais dire que j’avais été déçu par un jeu qui avait suscité beaucoup d’attentes, je commençais par dire « C’est de la merde », puis je listais ce que je lui reprochais avant d’évoquer ses qualités, histoire de finir sur une note un peu plus douce.

Aujourd’hui, je change de tactique. Mais, à ma décharge, je ne peux décemment pas dire que Portal 2, jeu dont il est question ici, est merdique ; d’une part, cela serait mentir, le jeu ayant de grandes qualités, d’autre part, cela serait malhonnête car j’ai moi-même beaucoup apprécié le faire et le refaire.

Cependant, après avoir écumé le mode « solo » – je n’ai pas pu encore me plonger dans le mode coopératif – je persiste à croire qu’il est, sur certains points qui me semblent pourtant cruciaux, inférieur à l’épisode original. Cela, bien entendu, n’enlève strictement rien à son mérite, au travail effectué et à sa grande qualité. À dire vrai, Portal 2 fait bien partie de mes « grands jeux de 2011 » sans même y réfléchir à deux fois, mais il n’aura pas même un satisfecit dans ma liste de mes jeux favoris. La faute à quoi, la faute à Portal, premier du nom que je place tellement haut, peut-être à tort me direz-vous, qu’effectivement, j’ai pu être un peu trop exigeant. Je voulais cependant partager cela avec vous, qui sait ? je ne suis sans peut-être pas le seul à avoir été gêné par quelques petites choses…

Finalement, ce que je reproche à Portal 2 ne constitue pas l’essentiel du jeu. Car mes critiques ne concernent ni la jouabilité, ni les énigmes en elles-mêmes (je suis au contraire admiratif de l’inventivité des concepteurs, qui n’ont repris du premier épisode que les tourelles automatiques et les boutons-poussoirs pour construire leurs énigmes !), ni le scénario qui clôt, raisonnablement c’est-à-dire sans complaisance ni fan-service le cycle « Portal ». J’avais effectivement peur que Valve développe les relations des jeux avec la série des Half-Life, peut-être même en faisant intervenir le fameux Gordon Freeman.

Non, Valve a été assez intelligent pour ne pas tomber dans ces travers, et je les remercie pour cela. Je m’aperçois alors que mes griefs sont mineurs dans l’économie du jeu, mais ils en deviennent réellement gênants ; et, du reste, je crois que cela ne vient pas d’une supposée fainéantise de Valve mais, qu’au contraire, ils ont voulu « trop bien faire ». On dit parfois que le mieux est l’ennemi du bien ; et pour moi, Portal 2 pourrait bien être l’illustration canonique de cette maxime.

 


Première chose qui m’a frappé et qui m’a dérangé, la longueur du jeu. Alors oui, je sais que ces derniers temps, l’on a tendance à dire que les jeux sont courts, du moins, plus courts qu’auparavant et les gens de s’en plaindre. Je vais vous surprendre, mais j’ai trouvé Portal 2 trop long. Bien trop long. Pour ceux qui se souviennent, le premier épisode se décomposait en trois grands moments : la petite vingtaine de salles de test, l’échappée dans « l’envers du décor » et, enfin, le combat contre GLaDOS. Cet épisode reprend à son compte le couple primordial « salles de test – échappée hors salles de test » et le répète à plusieurs reprises : on aurait alors un premier binôme dans le laboratoire « Aperture Science » en ruine, un deuxième une fois GLaDOS réveillée, trois autres dans les trois « strates » historiques de l’entreprise de Cave Johnson, un dernier avec « Wheatley Science » et, enfin, le combat contre ce dernier.

Ce n’est pas alors que les binômes se ressemblent, ils sont tous très distincts les uns des autres et introduisent chacun de nouveaux mécanismes même si je regrette ne pas avoir plus de salles de test, à la fin du jeu, avec l’intégralité des systèmes, les rayons lasers, les tourelles, les ponts, les gels, etc. Mais tout cela m’a semblé bien trop long. L’on finit par fatiguer légèrement. Sans doute car on avait reproché au premier Portal d’être trop court – cela n’est pas réellement mon avis, mais la critique me semble pourtant valable –, Valve a dû vouloir faire en sorte « qu’on en ait pour notre argent ».

L’initiative est louable. Mais cela est allé, à mon sens, avec la perte du « sens » que le premier couple de l’épisode précédent s’amusait à construire. Je vais tâcher d’expliquer comment je l’avais alors ressenti.

Dans Portal, les salles de test sont « balisées ». Non qu’il n’existe pas plusieurs méthodes pour les résoudre, les défis et les « speedruns » sont là pour le prouver, mais les panneaux indicateurs permettent au débutant – ou aux placides, comme moi – de savoir ce qu’il faut faire et où, notamment utiliser la prise d’élan ou indiquer sur quel mécanisme agit tel interrupteur. Bref, nous sommes réellement des rats de laboratoire, guidés pour la réussite du test. En revanche, quand on parvient à s’échapper de l’incinérateur et que l’on se retrouve alors pour la première fois comme « livrés à nous-mêmes », et si l’on écarte quelques rares flèches peintes par nos piteux prédécesseurs, rien ne vient réellement nous confirmer que nous avançons. Bien entendu, l’on se doute qu’un seul chemin est toujours possible, le reste étant des culs-de-sac ; mais avec le principe même des portails, on se pique au jeu et l’on pense avancer en-dehors des sentiers battus.

Pour un peu, j’avais presque l’impression de « tricher », d’être dans la peau de quelqu’un qui tout d’un coup voyait le dessous des cartes et refusait de « jouer le jeu » non pas seulement de GLaDOS, mais surtout des concepteurs eux-mêmes. J’avais « trouvé un bug » et je m’en amusais. Tout cela était prévu et attendu, évidemment, mais c’était amené avec tellement de tact et de cohérence, notamment par l’intermédiaire des nombreux panneaux défaillants des salles précédentes, le « The Cake is a lie », GLaDOS qui tente de vous arrêter in extremis en posant des tourelles sur votre chemin, etc., etc. que l’on ne pouvait que se prendre au jeu.

 


Alors certes, l’on pourra me répondre que Portal 2 a échoué pour moi car je connaissais déjà l’astuce, et que le néophyte qui découvrait la série par cet épisode a ressenti la même exaltation. Je réponds sans doute, oui, évidemment. Mais, voilà : une fois la chose découverte une première fois, la répétition à quatre ou cinq reprises de ce couple ne peut qu’amoindrir l’effet initial, aussi fort soit-il. Alors, je n’ai pas la réponse à ce défaut que je crois deviner. Je n’ai ni solution miracle, ni même proposition qui aurait pu permettre de « varier » un peu les plaisirs et de sortir de l’utilisation de la machine à portails en salles et hors salles de test. Le jeu propose pourtant des saynètes diverses, comme celles où l’on doit désactiver les neurotoxines et les tourelles automatiques… mais elles m’ont davantage embêté qu’autre chose, la faute, peut-être, à leur caractère plus « scripté » que le reste… et peut-être à cause de leurs dialogues.

Cela compose le deuxième gros reproche que j’adresse à ce jeu : il est verbeux. Quand ce n’est pas Wheatley, c’est GLaDOS ; quand ce n’est pas GLaDOS, c’est Cave Johnson et/ou Caroline. Encore une fois, entendons-nous : ce n’est pas la qualité de l’écriture que je fustige, ni même son doublage – même si je trouve la version française effarante, et bizarrement en-dessous de celle du premier épisode, mais cela se discute – mais son omniprésence. Le jeu veut que l’on rigole, et, de là, multiplie les jeux de mots, les situations incongrues, les remarques assassines. Parfois, cela marche ; j’ai énormément apprécié certaines répliques de Cave Johnson et, surtout, l’évolution de son discours et le gimmick « When life gives you lemon… ». De même, la chanson du générique égale, sinon dépasse, en humour « Still Alive », pourtant déjà sévèrement gratinée. Mais j’ignore si les concepteurs ont voulu tenter autre chose, peut-être s’approcher d’une forme d’humour plus enlevée, mais ils ont fait le choix de la profusion à celle de la confusion.

Songez un instant que quasiment toutes les répliques, dans le premier Portal, sont tronquées, elliptiques, lapidaires : GLaDOS grésille, se met à parler en espagnol, oublie des mots ; Chell, bien entendu, est muette ; les inscriptions sur les murs sont étranges, n’ont ni queue ni tête. En revanche, dans Portal 2, et je ne prendrai ici qu’un seul exemple, cette même GLaDOS, réveillée après une explosion formidable dont vous êtes l’auteur et une hibernation contrainte de mille ans, et même enfermée dans une pomme-de-terre est d’une logorrhée invraisemblable. Où trouve-t-elle donc la force de parler ? Je veux bien croire que la vengeance donne des ailes, mais à ce point-là… Je connais des Edmond Dantès en herbe qui devrait en prendre de la graine.

Bien entendu, Wheatley incarne à la perfection ce travers. Il ne cesse de parler. Il ne cesse même de nous suivre pour parler. Cet aspect du jeu amuse la première fois, mais rend la rejouabilité incertaine voire très douloureuse. Si je reviens encore régulièrement à Portal, je n’ai plus relancé le titre depuis la fin de mon second run. Et je ne peux m’empêcher d’être déçu tant le jeu m’avait été vendu voire survendu par tous et par toutes.

 


Voyez-vous la liste de mes reproches ? Longueur et, dirons-nous, côté « sémillant » des discours ? C’est tout ce que je puis reprocher au jeu. Un simple nœud sur un chêne millénaire, une ride sur un visage avenant. Malheureusement pour moi, durée de vie et écriture étaient les deux immenses qualités que j’admirais tant dans Portal. Ni le système de jeu, ni l’intelligence des énigmes, ni même, en fait, son originalité. Et, manque de chance, de ne pas retrouver les grandes qualités d’un jeu pour moi suffisant à lui-même, ni trop court, ni trop long, posant certaines questions presque « méta-vidéoludiques » sur la liberté offerte au joueur et les consignes de jeu, a suffi à me décevoir lourdement.

Aussi, l’on me pardonnera le côté péremptoire de mon affirmation, mais j’affirme que le seul épisode qui se doit d’être joué, surtout par un néophyte et à moins de vouloir absolument, pour des raisons que je comprends, connaître la suite de l’histoire ou résoudre de nouvelles énigmes, reste et demeure le premier Portal qui tend sincèrement à la perfection sur tous les points.

Il ne suffit pas de dire « une suite est inférieure à l’originale », car cela est très faux concernant le jeu vidéo, et les exemples ne manquent pas. Il ne suffit pas non plus de dire « Valve s’est reposé sur ses lauriers », car cela est affreusement injuste, Portal 2 transpire de travail, d’idées nouvelles et de polissage.

Je dirai cependant « le génie n’intervient qu’une fois ». Et si Portal était, en tous points, un chef d’œuvre, un jeu qui fera date et dans le média, et dans la mémoire des joueurs en général, Portal 2 me semble destiné à rester, éternellement, dans l’ombre : non dénué de qualités, mais loin, désespérément loin de la grandeur de son maître à penser.


Mathieu

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Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.

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