De quel parti est le jeu vidéo ?

En ces périodes d’élections, il m’a semblé amusant de me demander de quel bord politique appartenait le jeu vidéo. En fait, je ne vais pas m’intéresser à leurs créateurs, ni à leurs personnages en particulier – m’est avis que le patron de la Shinra (Final Fantasy VII) est de droite, allez savoir pourquoi – mais plutôt à leurs mécaniques de gameplay : est-il possible de voir dans un jeu comme PacManune idéologie plutôt de droite, et dans Sonicun souffle anarchique ?

  C’est, tout du moins, sur un plan purement rêveur que je vais m’adonner à cette réflexion légère, simplifiée et sans doute superficielle mais bordel, on est là pour rire non d’un rondoudou.

Ça pose un problème à quelqu’un ?

 

  Comme il serait long et fastidieux d’étudier tous les genres, licences, époques… j’ai choisi de tailler dans le vif et de m’intéresser à trois jeux qui piochent un peu partout : Super Mario Bros.sur Nes, Sim City(et ses suites) sur PC et Sonic Adventure 2sur Dreamcast et GameCube. Voyons un peu ce que ça dit…

  Quelques définitions

   Je ne suis pas politologue, aussi je vais me référer tout platement à Wikipediapour savoir, précisément, ce que sont les valeurs de la Gauche et celles de la Droite. Je copie donc :

  « Traditionnellement, les valeurs suivantes sont considérées comme étant caractéristiques de la gauche :

  • égalité ;

  • solidarité ;

  • progrès ;

  • insoumission .

Par opposition, les valeurs suivantes sont généralement considérées comme étant de droite :

  • mérite ;

  • ordre ;

  • sécurité ;

  • conservatisme ;

  • tradition. »

  (Source)

  À cela, on peut ajouter les caractéristiques de la droite “libérale”, c’est-à-dire l’augmentation des capitaux et du profit en règle générale. Cela étant posé, observons nos jeux.

Nous voulons plus de pièces !

  Super Mario Bros.

  L’histoire de Super Mario Bros. est une réécriture des récits chevaleresques d’antan : une princesse est enlevée par un dragon, et un brave héros se dresse pour la libérer. Au cours de son périple, Mario devra libérer des toads, combattre des ennemis et collecter des pièces afin de parvenir à ses fins.

  Globalement causant, cette histoire me semble plus tirer du côté de la droite que de la gauche, même si certains éléments contredisent légèrement cet état de fait.

It’s-a-me !

  Tout d’abord, le but de Mario est d’étouffer ce que l’on peut appeler une Révolution, ou une terreur, visant à remplacer un système monarchique par un autre, bien plus sombre. L’objectif du plombier est donc d’observer un retour à l’ordre initial, bref de rétablir la sécurité au sein du Royaume. Sa mission est rétrospective, et consiste à restaurer l’ordre précédent qui était, cela est plus ou moins induit dans le jeu, parfait et juste. Quand bien même alors le royaume champignon, bien que dirigée par une oligarchie, s’approcherait davantage d’un système égalitaire et solidaire, la mission du plombier est, quant à elle, dictée par une logique de conservatisme politique, et non de remise en cause de l’ordre établi.

  D’autre part, la mission du plombier est basée également sur son mérite, car agissant toujours seul dans sa mission, les Toads ne lui étant d’aucune aide particulière : c’est seul qu’il explore, trouve et s’enrichit, notamment en collectant autant de pièces que possible. Comme on le sait du reste, collecter une centaine de pièces octroie à Mario une vie supplémentaire : le profit ici est vu comme un moyen de poursuivre sa quête coûte que coûte, c’est-à-dire d’assurer la pérennité de son action et la réussite de son projet, on pourrait dire qu’il “investit en bourse” afin d’asseoir sa domination.

  Même en considérant le mode “2 joueurs”, et cela sera vrai jusqu’à Super Mario Bros. 3avant de voir les choses légèrement évoluer par la suite, il s’agit davantage d’une compétition entre Mario et Luigi (qui terminera le niveau en premier ?) qu’une entraide véritable. Il faudra attendre Super Mario World(ou les joueurs peuvent s’échanger des vies) et, surtout New Super Mario Bros. Wiipour que les héros se supportent mutuellement pour atteindre un objectif, tirant la chose du côté gauche de l’hémicycle.

On comprend mieux ce qu’est devenu Cuba…

  La majorité des jeux vidéo, du moins les jeux de plates-formes ou d’aventure et se jouant seul, peuvent être ramenés à cette réflexion précise : la “méritocratie” est à l’ordre du jour, c’est le concept du “jouer plus pour gagner plus”, il faut explorer, essayer, farmer etc. pour être récompensé, et celui qui se sera le plus investi dans le titre réussira davantage que les autres.

 

 

  Sim City

  Sim Cityvous met dans la peau d’un maire, avec pour objectif de gérer une ville de sa création à sa réussite économique. Le jeu étant surtout inspiré de notre monde réel, son organisation répond, globalement, à une logique démocratique qui s’orienterait plutôt à droite : il s’agit de créer des entreprises, de l’emploi et d’écraser économiquement causant ses voisins. L’on ne peut pas, par exemple, choisir de créer une communauté anarchique ou basée sur le troc : le jeu ne l’autorise pas.

  Cependant, les mécanismes mis à l’œuvre dans le jeu, et la façon dont celui-ci nous pousse afin de réussir sont portés par des idées de progrès, de solidarité et même d’égalité, et sûrement pas de conservatisme.

Bienvenue dans le monde de demain !

  Afin d’être mesure de remporter une partie ou, du moins, de fabriquer la ville la plus “efficace” possible, le joueur va devoir faire en sorte que tous ses habitants soient équipés en électricité, en eau, en gaz et en transports publics, ainsi que de veiller à leur bien-être, par exemple en évitant de construire des usines ou des centrales nucléaires à leurs portes. Autrement dit, il faut arriver à créer une équité sociale d’une qualité rare et éviter les bidonvilles ou les “quartiers délaissés”.

  Autre point, la recherche scientifique. Si le joueur continue, malgré sa population grandissante d’utiliser des trains d’avant-guerre et des centrales à charbon, sa population va être mécontente, les maladies vont se multiplier et, cela arrive régulièrement au cours des parties, ses concitoyens descendront dans la rue avec force banderoles pour lui botter le cul.

  L’idéal de progrès et de réussite dans Sim Citypasse par une égalité parfaite et une conception socialiste, voire communiste de la société, selon laquelle “l’égalité, ce n’est pas l’abolition du luxe, mais le luxe accessible à tous.” On peut songer qu’un monde dirigé comme l’entend Sim Cityet avec ses mêmes règles aboutira à une société “parfaite”, où tout un chacun est en bonne santé et où le travail n’est plus nécessaire, tout étant automatisé et pensé pour être au service de l’homme, même si ses fondements sont capitalistes et qu’un maire, qu’un oligarque, dirige la société à la façon d’un “sage” débonnaire.

  L’égalité, dans Sim City, prime sur la liberté, ce qui est à rebours, finalement, d’une logique plus “réaliste” de Civilizationdans lequel l’instauration d’un régime militaire ou d’une dictature octoie des bonus permettant de gagner le jeu, même si cela est vu comme un passage obligé pour atteindre des régimes plus équitables. La “fuite en avant” que propose Sim Cityest, contre toute attente, plutôt portée à la gauche de l’hémicycle.

Ce volcan peut détruire nos maisons, mais pas notre système de sécurité sociale.

  Sonic Adventure 2

  Sonic Adventure 2vous propose de diriger six personnages (trois “bons” et trois “mauvais”) dans leur lutte perpétuelle, avant qu’ils ne mettent leurs différends de côté pour combattre une menace commune.

Ci-dessus, la menace commune en question. Non, je ne ferai pas de commentaires.

  Ce jeu est intéressant car il me semble qu’il combine les réflexions faites au cours des deux premiers exemples. De prime abord, la logique est proche de celle d’un Mario: les “bons” contre les “méchants”, restauration d’un ordre premier, accumulation des richesses afin d’assurer la pérennité de son action. La chose est même dédoublée, car l’on a tout autant le point de vue des “gentils” que de ceux des “méchants”, chacun étant légitimement convaincu de son bon droit.

  Cependant, ces deux factions sauront, à la fin du jeu, s’unir afin de préserver la Terre d’un anéantissement totale. Autrement dit, c’est davantage dans une logique de solidarité et même d’insoumission que Sonic Adventure 2se termine, les choses revenant par la suite après les crédits, on peut s’en douter, à leur point de départ : Eggman tentera toujours de diriger le monde grâce à ses robots, Sonic et ses amis feront tout pour l’arrêter, et Rouge restera une voleuse de génie.

  La dynamique de l’aventure est donc très particulière, globalement dirigée par un esprit à droite avant de voir le triomphe de la gauche, et l’on recommence au début après le générique de fin. C’est cependant sur un idéal d’union que s’achève le jeu, et c’est comme cela qu’il faut le comprendre.

  Le principe du “unissons-nous tous contre une menace plus grande” existe depuis longtemps dans le jeu vidéo, Mario l’a mis à l’épreuve depuis Super Mario RPGet ce de façon assez régulière. Cela tend à prouver que malgré tout, l’idéal de solidarité triomphe face à celui du mérite et du “self made man” de la société capitaliste, souvent pour notre plus grand bonheur.

 

  Voilà, ce petit article touche à sa fin. Il n’avait aucune autre prétention que de s’amuser un peu à appliquer les règles qui dictent notre monde à celui, fantasmé, de nos jeux favoris. Tout ceci est, je le pense, parfaitement inconscient de la part des auteurs et je ne crois pas me souvenir réellement d’un jeu qui fasse réellement l’apologie d’un système en particulier (peut-être Theme Park, et encore, on pourrait trouver à y redire), mais bon… Marx disait bien “tout est politique”, alors pourquoi pas le jeu vidéo ?

 

Yo, salut les playeur-ses, le capital, c’est trop extra-life lolilol.

 

  Mathieu

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Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.

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