Jusqu’à ce jour, je n’avais jamais joué à un jeu Shantae. On m’en avait dit beaucoup de bien pourtant, mais ma curiosité s’arrêtait là. En profitant de la sortie WiiU de la « Director’s Cut » du second épisode, je rattrapais, avec joie, mon retard.
WayForward Technologies, qui fêtait ses 20 ans récemment, se fait de mieux en mieux connaître et c’est tant mieux : à l’heure où la 2D revient en état de grâce, leur savoir-faire étonne et d’année en année, l’on peut sentir l’amélioration de leur plume et de leur crayon. Ces dessins animés interactifs dont on rêvait, il y a plusieurs années de cela, les voilà à présent devant nous, et sous toutes leurs variations. Cet épisode de Shantae, cependant, de proposer quelque chose peut-être de plus daté, en apparence, de plus antique ; et il laisse les aplats francs de couleurs aux encarts narratifs pour se concentrer davantage aux pixels énormes, aux contrastes intelligents et à la souplesse d’une animation qui, parce qu’il est sans doute plus facile d’en distinguer les nombreuses étapes, ne cesse d’étonner.
Quand bien même Risky’s Revenge aurait cinq ou six ans, en y venant, je n’ai su m’empêcher de me souvenir de certaines vieilles gloires de la Playstation notamment, les Heart of Darkness, les Tombi! ou les Lomax. C’était cette étape étrange dans l’histoire, où les développeurs passaient progressivement d’une dimension à l’autre et ne savaient pas encore tout à fait quoi faire de leurs nouveaux jouets ; et si certains se lançaient à corps perdus dans les polygones, avec plus ou moins de succès, les autres faisaient vivre les anciennes gloires en leur donnant les atours d’un futur qui n’a jamais vraiment eu lieu.
En jouant à Risky’s Revenge, c’est un peu cela que j’ai ressenti : car bien qu’il soit possible d’arguer que les références aux 8 et 16 bits sont nombreuses, le talent et la douceur de l’ensemble nous rappellent, à tout propos, que c’est une œuvre moderne à laquelle nous nous essayons. Malheureusement peut-être, cette modernité que l’on ressent à tout moment à la surface des choses n’atteint pas, ou alors de loin seulement, le gameplay et ses mécanismes. Je dis « malheureusement » car ces problèmes, qui ont été pourtant résolus il y a des années de cela, sont autant d’anachronismes qui entachent réellement notre plaisir.
Ainsi, c’est le système de cartes, illisible et dans lequel il est impossible, ou presque, de se retrouver, au point que l’on préférera faire appel à notre mémoire pour naviguer dans les environnements labyrinthiques ; c’est le backtracking étroit et incessant, avec des ennemis qui ne deviennent pas plus faciles à vaincre avec les avancées et qui n’invitent guère à l’exploration, au contraire d’un Metroid par exemple, dont le style fait pourtant école ; ce sont les boss à rallonge, encore, qui disposent de bien trop de points de vie et ne changent quasiment jamais leur pattern. Globalement, tout se passe comme si les développeurs croyaient que la longueur équivalait au challenge, ce qui est une erreur de jeunesse impardonnable pour une compagnie qui, déjà, avait quelques projets derrière eux.
Ces maladresses, pourtant, n’empiètent pas définitivement sur l’ensemble et sur le plaisir de jeu. On peste volontiers, mais on se plie à la contrainte sans que l’idée même d’arrêter de jouer ne nous effleure. Malgré tout, le jeu est beau ; malgré tout, il est jouable ; malgré tout, le plaisir de découvrir ses nombreux secrets est réel et palpable. Il est dommage que cette Director’s Cut, qui pourtant fait tout son possible pour rendre la transition agréable et le fait même très bien, en elle-même, ne corrige pas ces défauts de game-design. On les prendra cependant pour ce qu’ils sont, des imperfections baroques sur une perle de Pompadour ; et on aimera y revenir encore pour l’explorer parfaitement, mi-heureux, mi-agacé.
Du moins, cela m’a donné envie d’essayer les autres épisodes et de trouver, enfin !, le chef d’œuvre de la plus craquante des génies.
Mathieu
About Mathieu Goux
Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.
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