Étrangement, je connaissais Silver Dollar Games, le studio derrière la dernière sensation du moment, One Finger Death Punch, grâce à Jibé et à un petit jeu indépendant sur Xbox 360, No Luca No, où l’on doit empêcher un chat de manger nos céréales…
Quel chemin de pensée a pu emprunter Jibé pour ainsi rencontrer ce jeu sur le store, le télécharger, l’essayer puis me le montrer ? Nul ne le saura jamais. Quoi qu’il en soit, ce jeu, très moyen au demeurant, refait ici une apparition éclair au sein de One Finger Death Punch, sans doute bien meilleur que ce dernier alors que ses mécaniques, en y songeant, sont indubitablement proches. Fondés sur la répétitivité et la simplicité, ils sont comme une forme épurée de ce que peut être le jeu vidéo (appuyer sur la bonne touche au bon moment), le tout au service d’une grandiloquence graphique bien contemporaine.
Mélange des extrêmes, One Finger Death Punch est incroyablement jouissif, hypnotique, acide ; entre le rhythm game et le beat’em all, il pourrait devenir, à l’instar de Beat the Beat, une nouvelle illustration, un nouvel osmazone du média.
Rappelons rapidement le concept : des bonhommes bâtons s’affrontent dans d’épiques combats de Kung Fu, ce qui n’est pas sans faire penser à l’antique Xiao Xiao, l’une des toutes premières animations que j’ai pu voir sur l’Internet (Youtube n’existait pas encore, c’est dire !). L’originalité de la chose, c’est l’épuration des contrôles : l’on n’utilisera jamais que le clic gauche, pour frapper à gauche, et le droit, pour frapper… à droite.
Toute autre commande est exclue : impossible de sauter, de se baisser voire de se déplacer, chaque mouvement doit porter et chaque échec d’être sévèrement sanctionné. Rarement n’avait-on vu aussi simplifié ; mais rarement aussi n’avait-on vu aussi jouissif. L’ambiance fait que les adversaires, comme dans un bon vieux nanar ou, plus noblement, comme dans un film de Jackie Chan, volent dans tous les sens, meurent dans des gerbes de sang, se servent d’épées, de masses mais aussi de poissons et de balais pour se vaincre, et la musique, une sorte de techno-chinoise désarticulée, de parachever le tableau.
Mais si One Finger Death Punch m’est aussi fascinant, c’est qu’au-delà de sa simplicité outrancière, une certaine complexité surgit lors de nos parties ultérieures, dans les modes de difficulté avancée, en mode « survie ». Elle n’est pas uniquement due à l’augmentation de la vitesse, ni aux très bonnes idées des concepteurs (lancer d’armes, compétences, mise en scène fendarde…), mais je la crois davantage émergente, comme si le propre du jeu vidéo était de créer cette complexité.
Je suis tenté de croire qu’elle étonna même les concepteurs, ce qui est le signe d’une belle œuvre. De la même façon que certains niveaux de, mettons, Donkey Kong Country ou Super Mario Bros. se prêtent incroyablement bien au speedrun et ce alors que les concepteurs n’y avaient pas spécialement songé, One Finger Death Punch devient incroyablement accrocheur une fois instauré un rythme de croisière et transcende la seule idée du « appuyer sur X pour Jason », histoire de faire un clin d’œil à un autre.
Mais ce jeu illustre également au mieux les tendances contemporaines du média, la surenchère visuelle, l’automatisme des actions et même de la difficulté, qui automatiquement s’adapte à notre façon de jouer et qui nous enlève, quelque part, l’envie de nous surpasser et de nous fixer une limite clairement établie.
J’en reste grand fan, et je vais sans doute y passer de nombreuses heures encore. Même, je pense visiter régulièrement le mode « survie » qui, par son psychédélisme, se prête admirablement bien à une distraction ponctuelle et sans conséquence. Mais j’ignore, cependant, si le jeu est toujours fondamentalement distinct de No Luca No : si le decorum est bien plus soigné, et s’il est indubitablement bien plus agréable à l’œil, je ne peux m’empêcher de croire, quelque part, qu’il s’agit du seul et même jeu…
Mathieu
About Mathieu Goux
Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.
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