Avant propos : Ce texte contient des spoilers.
Après sept longues années de gestation, The Last Of Us le retour a des airs de jeu de fin de génération comme son prédécesseur qui d’un aboutissement graphique sans précédent, venait clôturer la vie bien remplie d’une PlayStation 3, à défaut d’être une véritable innovation.
C’est ainsi, le jeu de Naughty Dog ne m’a jamais convaincu et c’est avec une certaine appréhension que je me suis lancé dans ce second épisode acclamé par la critique.
Bigre, qu’est-ce que je suis difficile…
Les années d’attente du jeu font office du temps qui passe et Ellie comme Joel de ne pas résister aux affres du temps. L’adolescente pas toujours habile à ses débuts est devenue une jeune femme nettement plus affirmée dans son tempérament comme dans ses préférences sexuelles qui la conduisent à avoir une idylle avec son amie Dina. Un point qui a su provoquer l’ire de nombreux joueurs qui n’ont pas hésité à faire montre d’agressivité et de menaces insensées. Cette romance n’étant pas le centre de l’histoire mais un complément plutôt habile.
Drôle d’époque que nous vivons, aussi sordide que celle dépeinte dans cette production…
L’immunisée de service fait donc sa vie de survivante avec les siens dans la ville de Jackson, tout en ayant pris ses distances avec ce père adoptif de Joel qui n’a jamais été vraiment clair concernant l’histoire avec les Lucioles, cette faction qui voulait l’utiliser pour créer le vaccin miracle.
Une tension palpable qui se voit allégée par la présence du sympathique Jesse et de Tommy le frère de Joel au comportement débonnaire. Un préambule assez classique, parfois surprenant façon teen movie avec ces amourettes façon cafette/sictom. Rien à voir avec la force introductrice du premier épisode qui ne laissait aucune place au doute quant aux événements à venir. Le calme avant la tempête un tantinet contemplatif et ennuyant à base de discussions oiseuses, de ballades à cheval et de bataille de boules de neiges avec des enfants.
Interminable.
Qu’il faille planter un décorum est admissible, de là à verser dans le superfétatoire notamment avec l’usage d’une guitare en QTE que Quanticdream ne renierait pas… Soyons magnanimes, on peut aussi jouer ce que l’on veut, mais pour quelle valeur ajoutée.
Fort heureusement, passé ces moments d’une rare platitude, il va falloir partir en mission et se rappeler que décidément les environs sont forts hostiles. Infectés et nouvel ennemi WLF ( Washington Liberation Front ) appelé également Wolf seront du voyage.
Jusqu’à ce que les événements tournent mal. Ellie et Joel prisonniers des Wolf, la suite s’annonce funeste. Finesse inexistante, voici le patriarche de substitution malmené au sol. Torturé sous les yeux de Ellie, la violence est telle qu’il y laissera la vie. C’est froid, dur, possiblement insoutenable pour les âmes sensibles et je pense notamment aux plus jeunes qui auront le jeu alors qu’il est déconseillé aux moins de dix-huit ans…
Le bourreau du malheureux se nomme Abby. Femme costaude à la pitié inexistante qui par son geste d’une cruauté sans précédent, assouvit sa vengeance en supprimant celui qui lui a fait tant de mal. Mais lequel ?
Les fondations sont posées. Ellie n’a plus qu’une seule idée en tête, retrouver la meurtrière et la tuer à son tour.
Basique, le scénario gagne pourtant en consistance une fois que l’on découvre les motivations de tous les protagonistes. Cela passe par des moments forts de camaraderie, d’amour entre Ellie et Dina ( avec ce soupçon de jalousie de la part de Jesse) et de nombreux flash-back opportuns qui intensifient la dramaturgie bien que ponctuée de moments de réjouissances salutaires. Si l’ensemble n’est pas toujours maîtrisé, il faut reconnaître une véritable intelligence dans l’écriture sinon audace. Moi qui trouvait un manque de prise de risques par le non sacrifice de Ellie, je suis servi par la mort inattendue de Joel.
Et c’est certainement la force de cette séquelle. Bien que très clichée ( le duo façon Thelma Et Louise), la narration est maligne, par endroits culottée et l’incarnation d’Abby durant une grosse partie donne un nouvel éclairage sur cette terrible histoire. Ellie et Joel sont-il ces héros tant appréciés et Abby est-elle aussi abominable que sa première rencontre le suggère ?
Riche, le jeu intègre un autre clan appelé Scar. Ennemis irréductibles des Wolf, ils vivent en harmonie avec la nature et se veulent une tribu plutôt barbare et guidée par la foi en une sorte de prêtresse de l’apocalypse.
Équipés d’arcs et communiquant à base de sifflements, ils sont un nouveau danger à appréhender, sans compter les créatures composant un bestiaire parfois pénible quand l’on tombe pêle-mêle sur des Claqueurs, Puants et autres Rôdeurs. Qu’importe, ces menaces multiples deviennent un véritable exutoire.
Dans un survival horror classique, l’on réfléchit à chacune des balles tirées en évitant soigneusement les combats quand nécessaire. Dans The Last Of Us Part II la cage de l’octogone est grande ouverte à qui voudra se la coller. Rarement ai-je vu un jeu à ce point brutal. Les infectés se corrigent à mains nues tous comme les humains qui découvriront non sans mal le bonheur du mur pleine face. Bien entendu il est plus aisé d’éliminer ce petit monde à l’arme, mais avec un peu de dextérité même les Claqueurs peuvent se prendre des coups bien sentis.
Véritable massacre, que l’on soit Ellie comme Abby, la sanction sera la même. Un bain de sang perpétuel qui vire allègrement dans le gore quand il ne se rapproche pas du snuff. On tue sans état d’âme, on se met en planque pour perpétrer des actes sadiques. Dans la forêt les similitudes à Rambo First Blood sont évidentes. Passe encore pendant l’heure et demie du film de Ted Kotcheff. Ici la chose se poursuit pendant un peu plus de trente heures. La surabondance de tuerie entache la progression déjà malmenée par un gameplay peu inspiré.
Routinier en diable, il se limite à tuer, rentrer dans des bâtisses, les fouiller, récupérer maints objets, en sortir pour recommencer le cycle. Soulignons le maigre intérêt à trouver l’accès à un lieu condamné qui se résume à soit le contourner, soit le gravir…
Ajoutons que le tout est scripté et consiste à suivre des chemins dans un level design tout aussi pauvre, aidé par le L3 providentiel qui indique la direction quand on ne sait plus où aller à cause d’un manque de lisibilité et de cohérence. Liberté j’aurais tant aimé écrire ton nom.
De la même manière, il aurait très apprécié un peu de nouveautés en contrôlant Abby. Au lieu de ça, on reprend la même formule de manière plus martiale vu le gabarit de l’intéressée.
Ad nauseam.
Seul son scénario nous sort du quotidien de Ellie.
Malgré tout, TLOU Part II est capable de fulgurances à l’image de ces incroyables fuites en avant alors que des hordes pourchassent les vivants. Cinématographiques, ces moments intenses font plaisir à jouer et soulignent un savoir-faire des équipes du studio à qui il faut reconnaître un talent véritable pour le travail sur les environnements extérieurs de toute beauté ( Seattle et cette nature palpable ) quand ils sont – et c’est regrettable – trop génériques et proches PS3 pour les intérieurs. Naughty Dog est certainement l’un des meilleurs en ce qui concerne la technique ; moins vrai pour le reste.
Carnages à répétition pour un gameplay du même tonneau. Le résumé est aussi rude que son contenu. Alors on peut se raccrocher à l’histoire, défendre sa volonté de choquer et quelque part d’accéder à une maturité. Sauf que le jeu est bien trop long et se prend les pieds dans sa proposition. Le sel étant bien cette rivalité, les infectés deviennent secondaires et leurs présences de ne servir qu’à apporter une tension.
En l’état, le jeu pourrait s’en passer largement vu qu’ils n’ont plus le rôle titre. Ce qui permettait de partir sur autre chose et de se consacrer à de la fraîcheur plutôt qu’un plat réchauffé.
A vouloir être ambitieux, il part dans trop de directions et aurait gagné à être plus simple, plus évident et surtout moins radical. Il joue la carte de l’ultra-violence, mais dans quel but tant elle est gratuite?
Elle ne sert plus le propos initial et se veut juste présente pour arguer d’une belle estampille 18+. « Vous avez-vu comment on fait des jeux pour adultes ? »
Qu’elle le soit par touches bien choisies et réfléchies offrait une véritable pertinence au lieu de ce grand déballage facile et navrant.
Mieux mesuré, moins long, TLOU Part II devenait un jeu efficace à défaut d’être remarquable. Il est tout de même dommage de voir qu’au final SIE Bend Studio et son Days Gone aux moyens nettement inférieurs s’en sort mieux. Ses environnements ouverts, sa simplicité d’action pour il est vrai un scénario nettement moins bien écrit, le rendent plus évident et plaisant.
Pour autant, TLOU Part II est loin d’être un mauvais jeu. S’il souffre de sa construction, il reste satisfaisant à parcourir grâce à ces destins mêlés. Ce qui peut paraître maigre ;mais rappelons que je ne suis pas le joueur le plus évident à convaincre et certainement qu’il plaira au plus grand nombre.
A Naughty Dog de se révolutionner. Non pas techniquement mais dans sa façon de faire du jeu vidéo. Il est temps, grand temps de tourner la page Uncharted et de JOUER.
About Jibé Jarraud
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