Yakuza est un certainement la meilleure revanche de SEGA sur Shenmue, responsable entre autres de la situation financière catastrophique de SEGA au début des années 2000 qui contraindra le constructeur de consoles à ne plus l’être.
Shenmue, son ambition délirante et son budget qui l’était tout autant alors fin 99. Boudé sur une Dreamcast au même dessein, le voilà désormais adulé dans son remake dix-neuf ans plus tard. Un statut que n’aura pas pris autant de temps à obtenir son héritier Yakuza vu sa popularité dans son pays qui atteint de plus en plus les côtes occidentales avec ferveur. Les non joueurs import auraient-ils enfin ouvert les yeux ?
Toujours est-il qu’en moins de deux ans, le bébé de Toshihiro Nagoshi ( père également de Daytona USA et superviseur sur Shenmue parmi ses nombreuses fonctions chez SEGA ) nous est arrivé dans plusieurs moutures. Yakuza Zero, Yakuza 6 et les deux épisodes remakes des deux premiers estampillés Kiwami.
Plus qu’un jeu vidéo – et au risque de me répéter – Yakuza est une saga à part, qui flirte allègrement avec tellement de courants, que le définir comme un simulateur de truand sans pitié est aussi erroné que l’assimiler à du soap opéra, tant il est capable de lier le tout non sans humour et autres sucreries des plus aberrantes, qu’il est un genre à part entière. Et c’est pour cela qu’une fois le pied dedans on a grand mal à quitter cet univers ; une impression étrange appelée Tokyo Blues, ressentie alors que l’on foule les couloirs de Roissy Charles De Gaulle après un séjour si dépaysant.
Et vu que Kiwami 2 nous arrive, il semblait pertinent de revenir sur Yakuza 6 sorti en avril dernier.
S’ils partagent un univers commun ils se démarquent par leurs propositions.
Avant de s’engager aux côtés du droit et impavide Kiryû, mieux vaut commencer par l’épisode Zero. En faire l’impasse serait fort dommageable ; tant pour la compréhension que pour le bonheur qu’offre chacun des épisodes. Bien que Kiwami 2 résume correctement les mésaventures passées.
Commençons par l’épisode Kiwami 2, ce remake opportun du jeu PS2 de 2006 qui partage la folie de ses prédécesseurs nouvelle génération, ou comment infliger un coup de vieux sans précédent avec ce que nous avions connu sur la seconde machine de Sony.
Si le contexte de Yakuza est systématiquement très sérieux avec ses guerres de clans sous couvert de trahisons et de retournements de situations, son arrivée sur PS4 rend l’ensemble autrement plus flamboyant, drôle et dingue avec l’omniprésence de l’irrésistible Gorô Majima, aussi cabotin qu’inquiétant en side kick de l’imperturbable Kiryû. Un duo cliché mais tellement bienvenu.
Kiwami 2 est dans la droite lignée connue. On se promène ( toujours mieux nuitamment) dans les rues de Kamurocho, quartier chaud clin d’œil à celui de Shinjuku, colle des dérouillées à des importuns, se prend quelques chauffes dans les bars, drague des hôtesses de cabaret quand on ne dirige pas carrément l’établissement où elles officient.
Un bac à sable aussi varié qu’hypnotique alors que les nombreux néons et maintes activités attirent tel un moustique devant une fenêtre éclairée. Car s’il est jeu de vengeance, Yakuza Kiwami 2 est aussi de réjouissance. Entre les restaurants dans lesquels il faudra manger tous les plats pour notamment gagner en endurance, les minis jeux disséminés ici et là, aussi invraisemblables qu’uriner en pratiquant un jeu vidéo tout en s’adonnant à des classiques de l’arcade ( et Saturn ) que sont Virtua Fighter 2 et Virtual On, le monde de Kiwami 2 est dense et généreux à l’image des nombreuses missions à accomplir en plus de l’histoire principale. Le sel véritable d’un titre qui vous invite au tourisme et aux visites découvertes autant qu’à de palpitantes tribulations.
A ce point dépaysant que des légendes du catch de la New Japan Pro Wrestling, incarnent des investisseurs très particuliers dans l’immobilier. Quel plaisir de retrouver à l’écran Keiji Mutoh, Masahiro Chono, Tatsumi Fujinami, Riki Choshu et Genichiro Tenryu dans un tout autre rôle que celui sur le ring.
Yakuza Kiwami 2 est décoiffant, plaisant et toujours garnement.
Un contraste assez surprenant avec les dernières tribulations des aventures de Kiryû qui se muent en point final.
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Yakuza 6 prend place bien des années après et se veut l’Omega de l’Alpha Kiwami.
Le jeu commence façon flash-back avec un Kiryû hospitalisé suite à un final explosif dans Yakuza 5. Forcément inquiété dans de trop nombreuses affaires, la Police sera à son chevet prête à attendre le prompt rétablissement pour le conduire vers ses nouveaux appartements : une cellule.
Entre temps, Haruka, la jeune enfant du premier épisode arrête sa carrière de Jpop idol pour retrouver son « père » adoptif plongé dans le coma.
A sa sortie de prison, Kiryû décide enfin de se la couler douce et met en berne ses activités illicites pour se consacrer au farniente et aux enfants qu’il héberge dans son orphelinat. Sauf que, Haruka désormais maman semble avoir de gros soucis et le petit de risquer d’être placé en famille par les services sociaux. La bonne âme du Yakuza l’en empêchera et voilà notre héros de retour dans son premier rôle, à la manière de Baby Cart vu l’âge du petit.
Mais avant de partir pour Hiroshima, il faudra baguenauder dans Onomichi ; petite bourgade fort pittoresque avec ses ruelles, ses toriis et ses habitants faits de paisibles citoyens ou de la racaille locale quand il ne s’agit pas d’adversaires plus retors.
C’est ainsi, à l’instar d’un Yakuza 3 qui campait les début d’un Kiryû rangé, en train de pêcher le poisson sur la plage et tout en chemise hawaïenne, les moments de détente sont généralement courts dans Yakuza.
Onomichi a des airs de préretraite. On peut sympathiser dans les bars lors de beuveries et s’il n’est pas Shenmue, cette impression de connaître chacun des habitants comme dans les quartier de Yamanose ou Dobuita dans le jeu de Yu Suzuki est tenace, surtout lorsque les échanges se font sur les états d’âme.
Même s’il conserve son aura originel, Yakuza 6 se veut moins sauvage que ces prédécesseurs mais tout à fait cohérent vu l’âge désormais avancé de son protagoniste. La cinquantaine étant, l’on a certainement plus le même appétit et les questions existentielles notamment sur l’avenir et le devenir d’Haruka l’emportent sur les délires plus ou moins sanguinolents du passé.
Mais baste, on s’en moque bien. Yakuza 6 est d’une très grande générosité et l’on prend un plaisir fou à rentrer dans les boutiques et restaurants, à jouer aux mini jeux proposés tout comme s’éclater sur Virtua Fighter 5 Final Shodown et Puyo Puyo offerts pour l’occasion. N’oublions pas des séances de live chat fripon avec d’accortes demoiselles…
En résulte une quête plus lente, plus calme à l’image d’un Takeshi Kitano ; le vénérable acteur de 71 ans tient un rôle dans cet épisode. La boucle est on ne peut mieux bouclée.
Yakuza Kiwami 2 comme Yakuza 6, sont un passage obligatoire pour tout fan de jeux en marge des productions classiques, qui regarde les Triples A avec ce dédain du joueur à qui on ne la fait plus. Ainsi est la philosophie instaurée par Toshihiro Nagoshi, pour du très grand SEGA comme on aimerait le voir plus souvent.
About Jibé Jarraud
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