God Of War : Les dieux lui sont tombés sur la tête

Après deux épisodes remarquables d’intensité et de technique sur une vieillissante mais tenace PlayStation 2, God Of War s’est enfermé dans une routine difficilement réjouissante. Un troisième épisode bien mais sans plus suivi d’un Ascension creux et pénible ( sans compter les épisodes PSP dispensables), Santa Monica Studio avait perdu de sa superbe. Le grand chauve au repos pendant plusieurs années, un reboot était nécessaire. Pour le meilleur ? Pas vraiment.

Vu que l’on a mangé de la mythologie grecque en veux-tu en voilà, le bon Cory Barlog en Directeur Créatif, a une idée de génie : la mythologie nordique, ou comment te la faire à l’envers sans même broncher. Une facilité évidente, mais vu que l’on parle de dieux et qu’à l’origine il y a eu quelques envies d’aller en Egypte, le contexte Asgardien fait sens. Après tout Saint Seiya

Toujours est-il que c’est un Kratos vieilli à la barbe de hipster et rangé de toutes les guerres que nous retrouvons dans des contrées autrement plus fraîches qu’à l’accoutumée.Une crise existentielle, après avoir tué le père ( au sens littéral et figuré), un ras-le-bol général qui vous fait dire que je plaque tout et que l’herbe est certainement plus verte ailleurs, pour fuir la haine environnante des dieux restants vu le joli bordel répandu en Olympe.

Avant même le reboot du jeu, c’est bien à un reboot de son héros auquel nous avons à faire. Femme et fille tuées par la faute d’Ares, voilà Kratos dans sa nouvelle vie à la campagne, accompagné de son jeune fils Atreus ( nom emprunté à Atrée, fils de Pélops et d’Hippodamie et père d’Agamemnon et de Ménélas dans la mythologie grecque ). Tout pouvait se passer pour le mieux, mais sa compagne et mère du petit vient de décéder. Sa dernière volonté étant que ses cendres soient dispersées sur la plus haute montagne, la famille endeuillée part pour un long voyage.

Voilà en gros le pitch. Une maman que l’on brûle pour la mettre en poche, direction l’escalade.

On est loin, très loin, de la colère, de la rage que pouvait avoir Kratos envers Arès et les dieux qui l’ont trahi ; véritable leitmotiv à la barbarie.

Sauf que comme il fallait un peu de tension pour faire de la promenade un parcours du combattant, arrive un Baldur ( En vérité Baldr) au look et à l’attitude à ce point inspiré de Connor McGregor que l’on sait que l’on va se foutre sur la gueule.

A défaut d’un combat de MMA, c’est bien une sorte de Asura’s Wrath qui est proposé. La joute est majoritairement scriptée avec des phases de gameplay à ce point congrues que nous profitons d’une cinématique certes magnifiquement mise en scène, mais peu rassurante pour la suite des événements.
Il faut bien se rappeler que God Of War était plutôt coutumier du fait. De la mise à mort superbe, mais toute en QTE. Fort dommageable pour celui qui aime utiliser ses mains.

Mais que nous propose ce God Of War revisité. D’abord un angle de caméra à l’épaule, hérité de Resident Evil 4 et Gears Of War ( l’autre GOW ) pour un jeu qui perd en beat them up ce qu’il gagne en aventure. Modérons cet aspect immédiatement ; nous sommes à des lustres d’un Zelda et je ne parle pas de Breath Of The Wild. Ici, la progression se fait dans des couloirs suffisamment bien construits pour que l’impression d’immensité se fasse durant les premières heures ; l’artifice étant à ce point grossier que pour la liberté on repassera.

Si Kratos avait ses chaînes équipées de lames, en brave bûcheron des bois qu’il est devenu, il se retrouve armé de sa hache Léviathan ( originellement monstre marin biblique ) capable de revenir dans la main de son propriétaire telle un boomerang une fois lancée. Une manière de pourfendre ses adversaires plus virile. La nouvelle vue étant, l’on se rapproche des affrontements d’un Dark Souls, le talent et la technique en moins vu le foisonnement souvent brouillon. Du jeu de From Software, God Of War pioche allègrement dans le bestiaire fait de créatures abjectes, de squelettes et autres abominations.

Simples et efficaces, les rixes restent de bons moment de défouloir à la violence non expurgée.

Nous sommes en terrain conquis et on retrouve non sans un plaisir malsain, le bravache.

Sauf que notre solitaire sans classe, un poil bourrin sanguinaire, à même de forniquer de la catin de bas étages, se retrouve désormais accompagné de sa progéniture. Le road trip est décidément moins amusant.

Et l’on sent que ça a dû phosphorer chez Cory Barlog. Il faut rajouter une quête de sens dans la principale ? Qu’à cela ne tienne, on va siphonner The Last Of Us et The Walking Dead mais en plus malin hé les mecs !

Ce sont deux gamines ? Ok on va mettre un gamin ! Tu la sens l’idée de génie ?

Déjà que God Of War partait sans originalité…

Atreus donc, va seconder son père dans ce périple pour que le joueur subisse ( et c’est peu de le dire), cette relation dégueulasse et inintéressante entre un procréateur distant et un insupportable chiard qui ne ressemble à rien sinon à une tête à claques.


Et de la tartine de doigts on a bien envie qu’il en goûte ce petit con. Déjà parce que Kratos n’esquisse aucune forme d’affection envers lui. C’est de l’écriture classique, décidément téléphonée à outrance que celle du père sévère, rude mais sage et bon qui saura dans de rares occasions ouvrir son cœur, mais pas trop quand même.

Limite bibliothèque Rose. Allez verte, c’est quand même un peu violent.

L’on pourrait le prendre en pitié bien entendu, mais si seulement il fermait sa grande gueule. Plus mouche du coche tu meurs. Entre les questions imbéciles et surtout les constats édifiants, difficile de s’attacher à un môme dépourvu de charisme.

Entre les « Hmmm ça va être difficile de grimper », ou «  Évidemment, les portes sont fermées » et autres réflexions toutes aussi stupides qu’inutiles, Atreus a des allures de boulets que l’on aurait honte de présenter comme étant le fruit d’un amour.

Mais comme il l’aime son papounet chéri, il saura se rendre utile. D’abord dans les combats. En sa qualité d’archer, le gamin use de ses flèches qui peuvent immobiliser les ennemis, et faciliter la mêlée.

Mieux, il aide Kratos à monter des plates-formes quand ce dernier se retrouve tro…Attends voir…

Kratos fait la courte échelle à Atreus pour qu’il lui jette une chaîne pour ainsi se hisser au niveau supérieur ? Mais lors de son altercation avec Baldur, le Sparte ne faisait-il pas des sauts de plusieurs mètres de haut ? On parle bien de Kratos ? L’égal d’un dieu sinon plus ! Et là le mec est malhabile pour sauter deux mètres en détente sèche ? De qui se moque-t-on ?

Il est tant de rentrer dans l’un des gros défauts du jeu : Le gameplay. Qu’il y ait des QTE c’est acté, que le scénario soit bidon, c’est entendu, même la relation parfaitement nulle entre les deux protagonistes est devenu un gimmick de ces productions inconsistantes qui se basent sur du graphisme, une histoire mal écrite en gerbant ce que Hollywood fait de pire avec ses blockbusters pour oublier l’essentiel d’un jeu vidéo… Ah oui, le gameplay.

Kratos est devenu un incapable. Pas fichu de sauter quand il le souhaite vu que tout se résume à un bouton contextuel. S’il faut passer d’une plate-forme à une autre, seul l’affichage du bouton sur le rebord permettra d’accomplir l’acte. Il faut longer un mur ? Idem, attendons de correctement se placer et d’appuyer sur ce même bouton une fois demandé. Mais alors, puis-je grimper cette falaise ?

Raté, on n’est pas dans Breath Of The Wild. Il faudra donc trouver le point lumineux qui indiquera le bon flan à gravir et ce n’est pas terminé. En effet, pour réussir l’ascension, il sera demandé d’orienter la caméra en hauteur pour qu’un nouveau point apparaisse. Sans quoi, Kratos restera bloqué.

On croit rêver.

Et tout ça pourquoi ? Pas grand chose. God Of War n’est qu’une succession de couloirs avec combats obligatoires pour des allers-retours insupportables au Temple de Tyr ( le hub principal) quand il ne s’agit pas de visiter des zones finalement inutiles au lieu d’aller au but. Il faut bien gonfler la durée de vie, même artificiellement.

Difficile de se passionner pour ce nouveau chapitre de la vie d’un type que tout le monde veut rosser. Les combats sont nombreux et pénibles et n’ont plus la puissance qu’avait à la base un monstre de muscles et de tuerie. La relation père-fils est sans attrait et sans surprise, à l’image SPOILER ALERT d’un Atreus qui se prend pour Son Gohan devant Cell ( avec quasiment la même posture ) alors que Kratos est en mauvaise posture.

De la même manière, son parcours initiatique comme son évolution de simple morveux à demi-dieu en crise d’adolescence une fois informé des origines du père, ont été vus et revus par n’importe qui a un minimum de culture.

Jusqu’à sa conclusion inepte et son épilogue incohérent vu qu’il se passe des années plus tard.

En l’état, God Of War est terriblement décevant. Somptueux graphiquement, s’il sait ravir les yeux, il échoue dans sa proposition de jeu, ce qui lui est demandé. Lassant, vide d’écriture et malgré la présence bienvenue d’un Mimir facétieux, il n’est qu’un produit marketing, faisant la part la belle à un studio et son Directeur Cory Barlog qui ému de l’accueil public s’est répandu en larmes sincères sur YouTube.

Cher Cory, je pleure tout autant mais certainement pas pour les mêmes raisons…

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