Pour ce retour de ZePlayer, permettez-moi de vous faire part d’une anecdote. Vous allez, en quelque sorte, passer de l’autre côté de l’écran et rentrer dans notre quotidien. Essuyez-vous les pieds d’ailleurs, j’ai passé la serpillière.
Vous avez pu voir que de nouveaux chroniqueurs ont prêté leur plume pour le retour du site. L’un de ceux-ci, Mathieu Manent, a rejoint l’équipe pour cette rentrée et Jibé a alors créé un profil propre, sous WordPress, afin qu’il puisse rédiger, sans notre truchement, divers articles. Or, une erreur technique a empêché, ponctuellement, à Jibé de modifier son propre profil ; et celui-ci de me héler, plus ou moins dans ces termes :
« ‘A marche pas.
— Ah bon ?
— ‘A marche avec Mathieu Manent. »
Puisque j’avais moi-même créé, la veille ou l’avant-veille, mon profil, j’ai cru à un jeu de mots sur mon prénom (sachez que ce genre de galéjades est courant chez ZePlayer), et je répondis, avec ma répartie légendaire :
« C’est quoi Mathieu Manent ?
– Il a écrit l’Anthologie N64. »
Effectivement. Mais au-delà de ma mémoire défaillante, autre chose m’a surpris : la nomination, pour ainsi dire d’usage aujourd’hui, de celles et ceux qui travaillent dans le milieu du jeu vidéo. Autrement dit, l’on connaît à présent leur nom, leur prénom et leur visage.
Fut un temps effectivement, et ce encore très récemment, où le pseudonymat était la loi. Lorsque je lisais, en mes blondes années de tête jeune, la presse spécialisée, quasiment tous les journalistes utilisaient des pseudonymes (fussent-ils, ou non, une déformation mineure ou nulle de leur prénom ou de leur nom), et on ne voyait leur bobine qu’occasionnellement, souvent lors des grands salons tel le CES. Cela, peut-on dire, allait de pair avec le côté « culture underground » que le jeu vidéo revendiquait plus ou moins alors, et ce n’est alors pas si éloigné de ce qu’on observait dans le punk ou le street art.
Et puis, la révolution numérique passa par là.
J’avais lu à l’époque – mais je ne plus parviens à trouver la référence, j’éditerai cet article en temps voulu – que la mode du podcast, facebook, d’autres choses encore, avait porté un coup fatal à cet anonymat. Aujourd’hui, la norme est davantage, semble-t-il, d’associer l’identité numérique à l’identité réelle (et Google, comme Apple, de ne faire aucun secret à ce propos) : et celles et ceux, les James Rolfe, les Benjamin Daniel, les autres, qui se connaissent mieux sous les noms de « l’Angry Video Game Nerd » ou de « Hard Corner », de faire comprendre qu’il s’agit là bel et bien de personnages et non pas d’une autre identité qui leur appartiendrait.
Florent Gorges, Mathieu Manent, Mathieu Triclot, bien d’autres… Tout un chacun se piquant d’écrire ou de parler du jeu vidéo tend à se nommer. Or, et sur Internet cela est bien plus vrai, se nommer, c’est s’engager : c’est se désigner et c’est, déjà, s’accuser. C’est dire que l’on est le responsable de ses propos, et c’est là quelque chose à double tranchant. Car quand bien même songerait-on, de suite, à la renommée et à la « gloire » d’avoir terminé tel ou tel ouvrage ou d’avoir eu tel ou tel succès, l’on s’expose également aux critiques, qui toujours existent, à la rancœur, qui naît dans les esprits faibles, aux avanies, que l’on ne peut pas éviter.
Quelque part, et au-delà des initiatives elles-mêmes, au-delà des thèmes abordés, anthologies, philosophies, historiographies, sémiographies, la seule idée qu’à présent on ose dire, dans toute sa totalité de personne, que l’on joue et que le jeu vidéo est support d’une réflexion élaborée et construite, me fait dire qu’effectivement « le jeu vidéo a déjà gagné ».
Diantre. Me voilà d’accord avec Julien Chièze.
Il va me falloir au moins trois douches pour me sentir à peine sale.
Mathieu
About Mathieu Goux
Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.
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