Paper Mario Sticker Star : Nécessaire bien qu’inutile

Paper Mario, commencé en 2001 sur N64 est devenue, au fur et à mesure du temps, l’une des licences de Nintendo les plus populaires de ces dix dernières années. Branche particulière du fameux Super Mario RPG, qui a également donné naissance à la série des SuperStar Sagas, elle était jusqu’à présent dévolue uniquement aux consoles de salon (N64, GameCube, Wii). Tout change alors avec Sticker Star, premier épisode purement portatif. Présenté pendant quelques mois comme l’un des futurs jeux d’importance de la 3DS, qu’en est-il précisément ?

Intelligent Systems aime à faire dans la diversité, apparemment. Après deux épisodes très similaires dans leurs approches du genre et leurs structures et un jeu de plateformes « arrangé », Sticker Star bat à nouveau les cartes en nous proposant un tout nouveau système de jeu, se rapprochant précisément des RPGs à la Baten Kaitos, c’est-à-dire qu’en lieu et place de choisir des actions à effectuer, le joueur doit piocher dans un deck des éléments – les fameux stickers – qui permettront à Mario de donner un coup de marteau, de sauter ou de lancer des attaques spéciales sur les ennemis et les boss. Sans ainsi trop entrer dans le détail de ce nouveau gameplay, on ne peut que prendre en considération la prise de risque du studio qui choisit de donner un coup de pied dans la fourmillière, et de fort belle manière d’ailleurs, faisant de ce jeu un titre pas nécessairement obligatoire, mais obligatoirement nécessaire…

Tiens, l’aventure commence…

On sait que depuis Super Mario Galaxy 2 Shigeru Miyamoto ne donne qu’une seule et même consigne à ses équipes : limiter l’histoire à sa plus simple impression, et la rendre la plus invisible possible pour le joueur. Dans le cadre des Mario Galaxy, l’on a bien vu la différence entre le premier et le deuxième épisode, Rosalina devenant pierre angulaire de la quête la première fois, simple personnage de second plan dans le second. La même chose peut se dire concernant les Paper Mario, Sticker Star apparaissant bien « sec » vis-à-vis de Super Paper Mario ou The Thousand-Year Door : quasiment aucune ligne de dialogue expliquant le scénario, si ce n’est une très rapide introduction devant durer une minute trente montre en main, aucun sidekick si ce n’est Collette, la petite couronne qui nous aiguillera dans l’aventure, un seul village… Le jeu va directement à l’essentiel, chose rare et pour un RPG, et pour un Paper Mario qui nous avait jadis habitué à tirer les choses en longueur au fur et à mesure de ses chapitres, y compris jusqu’au ridicule comme cette fameuse quête du « Général Bob-Omb » dans la version GameCube qui oblige le joueur à effectuer un nombre invraisembable d’aller-retours pour débloquer la suite du jeu.

Que l’on soit partisan, ou non, de l’écriture de ces scénarios et que l’on soit partisan, ou non, de la qualité de ceux-ci et que l’on soit, ou non, réceptif à l’humour grandguignolesque qui les émaille, force est de constater que l’histoire pouvait être parfois pesante et que l’on ne désirait qu’une seule chose, rentrer dans le vif du sujet, explorer les environnements et combattre les ennemis. Passer, ainsi, d’un extrême à l’autre soulage certes l’habitué qui pouvait maugréer devant son écran, mais ne se fait pas sans douleur tant l’absence de véritable structure et de balises de progression narrative est nécessaire à la sensation d’accomplissement que le joueur peut ressentir.

En effet, le jeu est divisé en six grands mondes, s’achevant chacun par un boss qui nous donne, en mourant, un « sticker royal » nécessaire pour affronter le vilain Bowser qui a encore fait du rififi. Cependant, si la confrontation avec ces boss demeure la « fin d’étape » traditionnelle de notre avancée au sein d’un monde donné, l’ordre dans lequel il nous faut les défier ne dépend pas directement de la complétion de tous les niveaux du chapitre concerné, mais de l’obtention de certains stickers spéciaux qui, une fois collés sur l’aire de jeu, vont provoquer divers événements et ouvrir le chemin vers la suite du jeu. De là, si le jeu exacerbe, notamment par l’inclusion d’une carte, son aspect linéaire et s’il l’est certainement, on se surprend à explorer les environnements comme bon nous semble, qui à gauche, qui à droite, et à essayer toutes les combinaisons possibles pour progresser dans l’aventure.

La chose est globalement réussie, servie par des graphismes alléchants et une bande son formidable – le thème du troisième boss faisant même à présent parti de mes favoris, tous jeux confondus – et des niveaux assez culottés dans leur approche et qui parviennent à relancer très régulièrement notre intérêt pour le titre. 

Tiens, l’aventure s’arrête…

Il manque cependant un petit quelque chose à Paper Mario: Sticker Star. Malgré ses graphismes charmants, une utilisation superbe du principe de papier, des musiques exceptionnelles – je pèse mes mots – signées Koji Kondo, le joueur qui termine Paper Mario, nonobstant sa durée de vie que l’on estimera à une vingtaine d’heures, ne pourra s’empêcher de se sentir un rien frustré, voire désabusé lorsque le générique défilera devant ses yeux. Ce n’est pas tant, selon moi, que l’aventure est courte ou mal ficelée, linéaire, trop facile : mais en l’absence de cadres narratifs incluant les personnages, ne serait-ce qu’un petit mot comme on peut le voir à la fin de chaque monde de Super Mario Bros. 3 ou de Super Mario World par exemple et dans un autre domaine, on ne ressent pas, on ne palpe pas une quelconque montée en puissance du personnage. Le fait que toute indication d’expérience ait été effacée doit certes jouer, je pense, puisque ce n’est qu’avec l’obtention de nouveaux stickers que l’on comprend notre progression, mais cela n’est pas assez.

Il ne faut donc pas forcément voir Sticker Star comme un chef d’œuvre, ou même comme un épisode dans la continuité de ses pairs. Remise en question totale et formidable, drastique même par endroit de la formule à laquelle nous avions été habitués, il est presque un mal nécessaire, comme il nous faut nous habituer un temps à la solitude avant de revenir vers de nouvelles amours. Un mal pour un bien, nous dit-on : l’occasion de se recentrer, de s’interroger et de s’apercevoir ce qui est vraiment important dans notre existence. Il faudra cependant un peu de temps, et attendre le prochain épisode pour obtenir, peut-être, le Paper Mario accompli et « adulte » que l’on attendait.

Mathieu

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Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.

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