The Last of Us : Le dernier de ceux-ci

Annoncé comme le dernier grand jeu de la Playstation 3, attendu par la communauté comme nouveau messie voire canon du ludisme, salué par une critique unanime, The Last Of Us remplit-il réellement ses promesses, ou bien est-il un de ces jeux « triple A » de plus ?

C’est que l’on commence à en avoir l’habitude de ces titres misant tout sur leur scénario, leur script et leur force cinématique avant l’intelligence du gameplay, les finesses qui vont avec et le plaisir en main tout simplement. Car des sensations de jeu sont avant tout véhiculées par une manette.

Et à ce petit jeu du « Rien à foutre on fait du AAA pour la masse », Christophe Balestra est un producteur émérite. Pensez donc, après trois épisodes d’Uncharted d’un grand vide ludique…
Un peu à la manière d’un David Cage qui promet toujours de formidables expériences (et moins de jeu, et plus de JE), Naughty Dog joue dans la cour du grand spectacle en oubliant le fond même de ce qu’est le jeu vidéo. D’abord en teasant sur ce que l’on va découvrir des mois avant la sortie du jeu.

Souvenez-vous. Les premières annonces de The Last Of Us parlent d’un duo de personnages forts, notamment d’une adolescente débrouillarde au caractère bien trempé dans un univers rude et sans pitié. Ou comment parler du fond avant la forme. Jeu vidéo ? Vraiment ?

Qu’importe, c’est le truc à la mode, passons outre. Après tout si le consommateur lambda a besoin de ce type de codes pour se rassurer, faits de cinéma blockbuster nul, de succès musicaux éphémères et de Nabila, bien normal de communiquer là dessus. Mais baste.

Nous voilà donc dans un jeu dit « mature », car pour qu’il ait sa reconnaissance publique, le jeu vidéo doit passer par ces artifices adultes : violence, mise en scène, et du script que l’on vous dit !
Allez envoyez-moi un pitch extraordinaire. Il était une fois, une pandémie, des contaminés que l’on croirait des zombies, des morts en pagaille et de pauvres hères qui tentent de survivre dans ce décorum d’apocalypse.

Niveau originalité on repassera, The Last Of Us reprend tous les lieux communs du genre, de Je Suis Une Légende, à The Walking Dead, tout en passant par les films de George.S.Romero.

Mais comme dit précédemment, tout est une question de marketing/masse populaire, et les décharnés de ravir cette dernière. Depuis Resident Evil en 1996, on en est rassasiés. Pensez-donc, Dead Island, Left 4 Dead, des modes zombie dans maints jeux, jusqu’à dans Yakuza. N’en jetez plus, la coupe est pleine ! Mais ne soyons pas mauvaise langue, et rentrons dans le vif du sujet.


Qu’est-ce que The Last Of Us ? Un jeu remarquablement réalisé, bien que souffrant de lacunes techniques et de nombreux bugs. Cela s’excuse ; les programmeurs ont eu les yeux plus gros que le ventre de la PS3 qui reconnaissons-le, s’en sort dignement. Et pour le reste?
Un énième TPS. Je pourrai conclure le texte ici, mais ce serait d’une part malhonnête, mais surtout cela n’étayerait pas mon propos.
Alors nous sommes bien en présence d’un jeu cinématographique. L’introduction ne laisse aucun doute là dessus, elle campe la situation, on appuie ici, on donne un coup de stick par là, et on laisse faire la cinématique. Actions superfétatoires, mais nécessaires à l’implication du joueur. Tu parles…

Sans faire de spoiling, on va dire que 20 ans après la terrible pandémie, la planète est chamboulée. Aussi étonnant que cela puisse paraître, en deux décades rien n’a pu empêcher celle-ci de progresser. La nature a repris ses droits, les bâtisses sont délabrées, tout est à reconstruire. Bon, il semble y avoir une armée (ah bon donc un régime ?), de l’électricité (ah bon ? donc des centrales qui fonctionnent ?) et plus logique des groupuscules peu enclins à accepter le totalitarisme ambiant, sans compter les nombreux malfrats. Soit, oublions les arcs scénaristiques oiseux, on veut jouer.

On contrôle donc Joel, l’archétype même de l’anti-héros qui va devoir avoir les épaules larges pour supporter tous les maux du monde. Parti cahin-caha dans une mission, il va faire la connaissance de Elie, jeune drôlesse plutôt hardie qui ATTENTION SPOIL est immunisée contre les attaques des belliqueuses créatures. Concrètement, elle est porteuse du remède qui apportera à ses contemporains le salut tant espéré. Ça, c’est du scénar inventif, ou je ne m’y connais pas.

Cessons le mauvais esprit quelques instants et reprenons le fil des incroyables aventures d’Un Gars Une Fille au pays de la mort qui empeste à plein nez. Ainsi, et bien malgré lui, Joel se retrouve à escorter cette compagne d’infortune pour que des scientifiques en fassent l’antivirus miracle. Mais le repère de ces derniers n’étant pas des plus proches, c’est durant quatre saisons que l’on va traverser les États-Unis. Le début des emmerdes en somme.

TPS disais-je donc. Ainsi il faudra s’armer, se planquer, tirer, et se planquer. Cependant The Last Of Us offre des séquences plus variées, à l’image d’opérations furtives pour étrangler ou suriner l’ennemi, ou tout simplement pour ne pas se faire repérer. Du classique sans surprise. Sauf que tout pourrait se passer merveilleusement si les combats n’étaient pas aussi injustes. Se faire assaillir passe encore, mais se retrouver à tirer à bout portant sans qu’il ne se passe grand chose, ou tenter vainement  de se défaire à coup d’armes blanches sans comprendre pourquoi l’on est mort déjà moins. Certes les claqueurs, cette forme de contaminés très pénibles est faite pour. Mais quid de celui qui se prendra plusieurs décharges de fusil à pompe sans broncher, et qui au loin pourra tomber d’un seul coup de de carabine ?

Alors on peste, on améliore ses armes grâce au procédé du crafting et on retourne dans la mêlée. Cependant, ces dernières ont de quoi laisser pantois. Si vous ne le saviez pas, une lame de ciseau casse facilement, une machette ne peut s’utiliser que quelques fois, en tout cas toujours moins qu’un couteau basique. La lame doit s’émousser probablement… On sourira volontiers devant une barre de fer capable de rompre.

Allez ce n’est qu’un jeu vidéo, mais dans une quête de réalisme et de maturité…

Ces petites choses fortement agaçantes se cumulent avec d’autres où l’interrogation est de mise. Prenons un individu armé plutôt lourdement que l’on aura abattu froidement. C’est bien heureux que l’on se pressera sur sa dépouille histoire de récupérer… eh bien rien. Ou peu. Quelle déveine !
Au moment où vous manquiez de munitions.

En revanche, les claqueurs et leurs comparses ont dû passer par une armurerie car ce sont bien ces créatures qui fournissent en armements salvateurs. De l’art de l’incohérence.

Alors on serre les dents, on soupire longuement. On avance, on tue, on avance, un QTE, puis on tue. L’ennui peut rapidement gagner. Qu’importe, Balestra et son équipe nous ont annoncé que le scénario sera remarquable d’écriture.

 

Ne jamais croire un producteur de jeu vidéo, David Cage et ses 2000 pages d’invraisemblances pour Heavy Rain en étant une preuve irréfutable.
The Last Of Us ne déroge pas à la sempiternelle règle de la promesse non tenue dans le jeu vidéo moderne qui tente vainement de masquer un creux ludique par un scénario exceptionnel.

À condition de n’avoir jamais vu un film du genre, ou une certaine fameuse série qui cartonne actuellement, difficile d’être surpris par la narration. Comme dit précédemment, tous les lieux communs du film de zombies sont réunis dans un seul et même jeu.

L’anti-héros au passé trouble, solitaire et peu causant mais qui sait être touché par la jeune donzelle, Bill un compagnon de route bourru, gueulard mais finalement au grand cœur, sans oublier le duo de blacks, caution antiraciste. On mixe le tout, les scènes censées clouer le spectateur (et non le joueur) sont d’une telle évidence que l’on devine les twists, jusqu’à la conclusion aucunement étonnante. Tout ça pour ça.

The Last Of Us est donc bel et bien un gros épisode de The Walking Dead de près de 4 heures. Vous en doutez ? Allez donc jeter un œil à cette vidéo qui compile toutes les cinématiques et l’on se rendra compte que cette production, aussi bien ficelée soit-elle, n’est qu’un film avec des séquences de jeu. Le doublage, particulièrement efficace, confirme le jeu d’acteur.

Ainsi est la direction empruntée par les jeux AAA. Du visuel, de la mise en scène efficace mais au final est-ce que c’est ce que nous souhaitons d’un jeu vidéo ?
Où est donc passé le gameplay, le bonheur de prendre instantanément en main l’aventure en s’affranchissant des intros, tutoriels, cut-scenes, et surtout toutes les actions contextuelles dont le titre regorge ?

Comment faisions-nous quand après deux francs insérés dans une borne, on appuyait sur 1 player, et sans connaître le jeu, on se débrouillait ?

Autre temps autre mœurs, et probablement que je ne suis plus à même d’apprécier cette nouvelle façon de « jouer ». En substance, The Last Of Us n’est pas un mauvais titre, mais est-il un bon jeu?

Jibé

About Jibé Jarraud
Responsable Editorial Grand Sachem de http://ZePlayer.com I Scribouillard dans des zines de JV et éternel amoureux de jeux nippons insensés I Voix dans le podcast Super Retro Mega X sur Radiokawa.com

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