Uncharted III : et on joue quand ?

Ils en ont usé de la dithyrambe outrancière, les sites et les magazines vis à vis du dernier produit marketing de chez Naughty Dog.

On l’aura bien mis en avant son sémillant vice-président français, Christophe Balestra, qui à la différence d’une autre figure du milieu (celle-ci ferait mieux de rester en « Cage ») sait au moins rester humble face à ce qu’il a créé : Uncharted.

 

Notez qu’il valait mieux, je lui serai tombé dessus avec cette même rage vu ce qui a été commis avec cette nouvelle itération des mésaventures de Nathan Drake.

Quand je mets un jeu dans une machine, j’attends de jouer. Loupé, Uncharted 3 s’est affranchi du ludisme.

Il est désormais de coutume avec les dernières productions de tout miser sur un enrobage techniquement irréprochable, pour oublier ce qui fait à la base le sel d’un jeu vidéo. L’on veut se rapprocher du cinéma, alors on en reprend les ficelles. Et dans son rôle de blockbuster, Uncharted 3 s’assume totalement.

Véritable fusion d’un Jason Bourne dans les tribulations d’un Indiana Jones, ce qui est offert à l’écran est l’un des summums de l’action effrénée, fut-elle carrément exagérée. Mais cela s’excuse vu que l’on est devant un film, enfin…devant un jeu… ou presque.

Car Uncharted 3 n’est qu’une narration interactive, du moins plus libre qu’un Heavy Rain, mais nettement moins qu’un simple Super Mario Bros sur N.e.s.

Explosif et sans temps morts, avec une minutie de la mise en scène remarquable, ce troisième épisode en met clairement plein la vue, sans pour autant impliquer le joueur. Du script que l’on vous dit ;alors imaginez bien que le seul rôle du joueur est bel et bien de vaguement orienter Drake.

Un château en proie aux flammes, un mur qui s’écroule un décor d’apocalypse synonyme d’une fin funeste ? Que nenni.

L’athlétique héros n’aura aucun mal à ce tirer de ce mauvais pas, mais en plus ne peut rater sa tentative d’évasion. En vérité, jamais la dextérité du joueur n’est sollicitée, vu que même si Drake feint de tomber, c’est juste pour le spectacle, jamais par difficulté.

Il y a comme un air de funambule avec filet plus que désagréable, voir un air de « On se fout copieusement de votre gueule » plus idoine.

Et le gameplay dans tout ça ? Dans le fondement et bien calé.

Jouer à Uncharted impose que l’on suive le dictât d’un créateur qui se pose en metteur en scène et non en concepteur de jeu. Ainsi des scènes visuellement impressionnantes ne donneront pas plus le vertige que le stress que procure Donkey Kong Country Returns ou plus récemment Rayman Origins.

À titre d’exemple, on aura aucun mal à se sauver des milliers d’araignées qui dans différentes séquences poursuivent l’infortuné, vu qu’il suffit d’aller tout droit. Dans un stage similaire de Donkey Kong c’est seul le talent qui saura mener cette épreuve à bien.

Quel dommage ! On pense s’amuser à jouer les Yamakazis, que l’on se retrouve avec une grande pauvreté d’actions. C’est également le cas des combats, inintéressants. Ils se déroulent de la manière suivante : frapper, ennemi tente le contre, ralentissement stylisé qui permet le temps d’appuyer sur triangle et contrer le contre de l’ennemi.

À en tomber des nues. Nul ; il n’y a pas d’autres qualificatifs. Alors que Balestra avait les exemples de Yakuza et de Shenmue en la matière, il a préféré faire du grand n’importe quoi, avec ces plans séquences dynamiques qui autorisent parfois une variante, comme prendre la tête du sbire et la fracasser contre un mur. Mais c’est bien parce que le jeu l’impose, jamais ce ne sera la décision du joueur. 20 ans après Final Fight, on a moins de possibilités. Un comble.

La profondeur d’Uncharted 3 ne dépasse pas celle d’une mare, d’autant que les différentes phases de jeu sont du même acabit. On joue les cascadeurs sans vraiment décider de ses cabrioles, on s’ennuie dans des gun fights inconsistants et injustes vu que les lasers des snipers font des headshots alors qu’ils passent à côté. On s’étonne d’ailleurs à vider des chargeurs en pleine tête d’ennemis qui peinent à vaciller. On râle, on peste que c’est mal fichu. Et l’on s’étonne que chez Naugtht Dog on puisse reprendre les erreurs du passé sans jamais être capable de dépasser le second épisode.

On voulait du jeu, nous n’avons qu’une production cinématographique pour un public qui s’éloigne de plus en plus des joueurs comme les immondices des salles obscures à la destination de ce même public qui s’éloigne de plus en plus des cinéphiles.

Et le script de rendre cet ensemble souvent incohérent, où l’on attend que vous tiriez sur un cadenas pour ouvrir une porte, alors que vos alliés sont tout autant armés, ou plus incroyable, l’impossibilité de passer à plat ventre sous un grillage à l’espace suffisant, imposant que l’on prenne un autre chemin. Oui, pour le script…

Saupoudrons le tout de QTE imbéciles qui ne servent à rien, comme marteler sans cesse le bouton triangle pour qu’une action se fasse, et l’on obtient ce que l’on pouvait craindre : la fin du jeu vidéo.

Et pourtant, il serait injuste de ne pas être sensible à Nathan Drake, véritable antihéros, se jetant volontairement dans la gueule du loup. Ses acrobaties qui se muent en chutes, rappelant celles des immenses Buster Keaton et Harold Llyod, formidables casse-cous, qui firent les joies du cinéma burlesque et muet américain.

On ne peut qu’apprécier les protagonistes, l’ambiance terriblement surannée mais toujours séduisante tout comme cette action menée tambours battants. Mais on attendait surtout un jeu vidéo et non cette démonstration de vouloir calquer le 7eme Art.

Si Balestra, Cage, Blezinski et consorts veulent faire du cinéma, qu’ils empruntent les voies créées par de grands réalisateurs et qu’ils se jettent à l’eau caméra au poing. Mais qu’ils laissent le jeu vidéo à ceux qui le connaissent, le font évoluer, l’aiment et le soutiennent.

Le cinéma a ses codes, le jeu vidéo également. Il peut y avoir des rapprochements, et cela peut même conduire à d’heureuses créations.

Cependant, vouloir faire du film interactif le nouveau cheval de bataille de la création vidéo-ludique est une erreur voire même une immense connerie.

Sans quoi, jamais ce loisir n’en sortira grandit.

À ce que je sache, Night Trap ( Mega CD ) n’est jamais cité comme étant le plus grand jeu du monde.

Jibé

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Responsable Editorial Grand Sachem de http://ZePlayer.com I Scribouillard dans des zines de JV et éternel amoureux de jeux nippons insensés I Voix dans le podcast Super Retro Mega X sur Radiokawa.com

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