Le Dieu Christophe Héral

Décidément, c’est la foire à la connerie ces temps-ci. Oublions un instantc’est que je suis en colère !cette terrible bévue limite imbécile, de Hung Nguyen de chez NoLife qui annonce, le plus platement du monde, que « la réputation de Rayman a toujours été surfaite » et que « Rayman ne [les] a jamais convaincus »… Je laisse le soin à chacun de rectifier cette impardonnable erreur non seulement de goût mais surtout de réalité historique et de vous plonger dans de saines lectures comme mon article sur Grospixels ou un quelconque site traitant de jeu vidéo.

Il devient inutile de répéter que les Raymanet je parle des trois épisodes canoniques, aussi distincts l’un de l’autre comme on peut l’imaginer – sont des jeux exceptionnels, succès critiques et commerciaux, bourrés de génie, de talent et de savoir-faire : les joueurs véritables auront corrigé d’eux-mêmes l’erreur de cette soi-disant chaîne spécialisée.

Cependant, je ne parlerai pas ici de la question des graphismes de Rayman Origins (que certains – suivez mon regard – ont osé comparer à des animations flash… Je suppose que si on leur présentait Guernica de Picasso, ils demanderaient quel âge a le gamin auteur de cette croûte. Bref.), ni de sa maniabilité (un tantinet perfectible il est vrai, mais absolument rien de dramatique) ou de sa bonne humeur (les pauvres, tellement habitués aux environnements grisonnants qu’ils ne savent plus reconnaître de la vraie couleur quand ils en voient), mais bel et bien de sa musique.

Celle-ci, composée notamment par Christophe Héral qui avait déjà officié sur le magnifique Beyond Good & Evil mérite que l’on s’y attarde avant toutes choses, et ce pour au moins trois raisons.

D’une part, elle reprend à merveille l’esprit du tout premier Rayman.
D’autre part, elle est magnifiquement composée.
Enfin, elle est d’une qualité exceptionnelle.

Revenons sur ces trois points, voulez-vous ?

Tous ceux ayant joué un jour au tout premier Rayman – ou qui devraient le faire pour se ressouvenir de certaines choses – auront été marqué par Le Ciel Chromatique, autrement dit « Le monde de la musique ». Car ce fut pour beaucoup le premier contact avec les délices musicales de monsieur Stéphane Bellanger.

Dans la courte histoire des jeux vidéo, le support CD fut une bénédiction pour les développeurs. S’affranchissant enfin des samples, du midi et du roland sans parler de l’innommable pc speaker, les créateurs purent enfin s’en donner à cœur joie. Si The 7th Guest fut l’un des vrais pères fondateurs du support CD-ROM en matière de graphismes, nul doute que Rayman fit partie des jeux qui en bénéficièrent le mieux musicalement causant ; car s’il est vrai que le support CD a permis aux développeurs d’inclure de la musique composée par de « vrais » instruments, encore faut-il que le compositeur soit talentueux…

Ce qui n’a pas toujours été le cas, hélas. Il faut donc réunir deux conditions : l’audace du compositeur, et toute l’exploitation du support audio fourni.

Réécoutez donc l’ost de Final Fantasy VII, pourtant l’un des gros jeux de la Playstation. Sans parler de la composition à proprement parler, que j’apprécie énormément soit dit en passant, faites attention à la qualité du son. L’on ne peut s’empêcher de se dire que cela est un petit peu étouffé. À côté de cela, écoutez la musique de Medievil.

La différence frappe immédiatement aux oreilles. Plus de profondeur, plus d’harmonies, les instruments sont reconnaissables sans aucun ennui. Et quand vous écoutez la musique de Rayman (vous pouviez même mettre votre CD dans un ordinateur pour directement écouter les mélodies au passage), vous n’écoutez pas de la « musique de jeu vidéo », mais de la musique tout court.

Ce n’est pas tout. Stéphane Bellanger est un magicien, et un musicien : et quand on lui donne un support CD, il s’amuse. Outre donc les traditionnels violons, pianos et tambours, il n’hésite pas à utiliser gongs, guitares, violoncelles, triangles, grelots, guitares… J’ignore combien d’instruments ont été utilisés, mais le résultat global est formidable.

Rayman Origins suit la marche illustre de son ancêtre, en y ajoutant à présent des voix totalement hilarantes : le thème jazzy des poissons, ou encore le semblant de soprano des stages volcaniques sont des modèles, le genre de musique que l’on jurerait tout droit sorti d’un film d’animation Nickelodeon. Elles sont accompagnées du reste par des instruments que l’on aimerait entendre plus souvent, guimbarde, kazoo ou didgeridoo, et la qualité est encore au top.

Je regrette de ne pas avoir la version collector du jeu avec les musique, et que le jeu (du moins, aussi loin que je suis allé) ne propose pas de sound-test (ce qui devrait être disponible de base selon moi, mais bon…) mais c’est là un moindre mal.

Rayman Origins, et les Rayman en règle générale n’ont jamais été que de simples jeux de plates-formes. Ils sont également un formidable cri d’amour à la musique : leurs mélodies accomplissent toujours le double tour de force non seulement de toujours coller parfaitement à l’action, mais de pouvoir être écoutées en-dehors du jeu en lui-même. Merci et bravo, Monsieur Bellanger, merci et bravo, Monsieur Héral.

Mais la qualité des musiques de Rayman Origins se mesure également à l’aune du soin apporté à sa présence : elles redéfinissent même pour un peu la frontière entre mélodies et bruitages. Chaque geste de Rayman et de ses compagnons viennent enrichir la musique, sans compter que lesdits bruitages évoluent en fonction de la situation : sprinter sur l’herbe produit un bruit différent que celui obtenu en courant sur une de ces flûtes volantes du monde 2, sans parler de la petite mélodie au ukulélé quand on touche un « roi Lum »… Rares sont les jeux qui bénéficient d’une musique évolutive aussi réussie en fonction des gestes du joueur.

Il y avait bien Banjo-Kazooie, mais même cet excellent titre n’allait pas aussi loin dans l’association du son et de l’image. Le peu connu Vexx, qui doit beaucoup à Rayman, le faisait avec talent dans un monde dédié à la musique : les plates-formes utilisées étaient des instruments, et à chaque fois que le héros en touchait une, le son correspondant venait enrichir la bande-son… Grandiose, il faut le dire.

Rayman Origins est une expérience synesthésique. Et cela se voit d’autant plus lors des stages de poursuites des « coffrapattes », où vous vous repérerez au bout d’un moment à la musique pour éviter les nombreux pièges, car la lecture seule de l’écran de jeu ne vous sera pas suffisante pour survivre tant le scrolling va vite.

Bref, ce jeu est un exemple type de la façon dont la musique se doit d’être utilisée – et bien utilisée ! – par les jeux vidéo. Même si j’apprécie, même si les joueurs apprécient un orchestre symphonique, nous n’en demandons finalement pas tant : juste une petite bouffée de bonne humeur et de plaisir de jeu. Rayman Origins porte le flambeau du mouvement « blue sky in video games », et le fait comme il se doit en consacrant autant de soins à ses graphismes qu’à ses musiques, à son gameplay qu’à sa bonne humeur.

Mais ça, il ne faut pas être intoxiqué aux fps, peut-être comme ce type de chez NoLife pour le comprendre. Son professionnalisme lui a d’ailleurs totalement fait oublier de mentionner la qualité de cette bande son ; c’est dire… Le jeu vidéo a beau se guérir, si le patient ne s’aperçoit pas de l’amélioration de son état, cela ne sert finalement à rien.

Mathieu

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Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.

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