Reaper of Souls : Fauche et fauche encore les âmes…

Pour bien faire les choses, il faut du temps. Et du temps, croyez-moi, j’en ai pris avant de venir vous parler de l’extension de Diablo III, jeu dont j’avais parlé ici à l’époque. Reaper of Souls, puisque c’est son petit nom, étonne. Il étonne car il offre exactement ce que l’on attendait, et élimine ce dont on ne voulait plus.

Je ne saurais, je crois, dire autrement les choses qu’ainsi : Reaper of Souls est un jeu qui offre précisément ce que l’on attend de lui. Rectifiant les erreurs et les imprécisions du passé, il va directement à la « substantifique moelle », quitte à laisser quelques petites choses sur le rebord de la route. Un mal pour un bien, dira-t-on, et comme je m’en vais ici l’expliquer.

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Blizzard Hotline Service, j’écoute ?

Diablo III, comme je l’indiquais déjà dans mon article d’alors, est un jeu qui m’a beaucoup plu dès le commencement. Malgré la nécessité d’être constamment connecté, malgré un mode « Armageddon » d’origine impossible à vaincre pour le commun des mortels et un Hôtel des ventes qui partait d’un bon sentiment mais qui réduisait le late game à une version informatisée de la « Roue de la Fortune », il y avait déjà là assez à boire et à manger pour contenter le joueur que j’étais.Évidemment, les problèmes se firent progressivement jour au fur et à mesure que l’on avançait, et ce sont ces problèmes qui m’invitèrent à quitter les serveurs démoniaques après, tout de même, 200 heures de jeu. J’en avais eu pour mon argent et j’attendais, du coin de l’œil, l’extension promise.

Bien sûr, entre temps, de nombreux patchs et modifications virent le jour. Ce qui me décida, finalement, à replonger dans l’aventure du Sanctuaire, ce ne furent pas les premiers retours de Reaper of Souls sur les sites spécialisés mais bien une annonce lue, sur un forum, signalant que l’Hôtel des Ventes allait être fermé prochainement.
Brusquement, cela signifiait qu’une seule chose : que le loot, ou le butin ramassé si vous préférez, allait être bien plus agréable et efficace que jamais et que la chance, quand bien même serait-elle toujours présente, pèserait finalement moins dans la balance. Alors, avant d’installer l’extension, j’ai repris mon ancien personnage pendant quelques heures.

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En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, j’avais presque doublé ma force de combat, trouvé trois ou quatre légendaires, entièrement renouvelé mon équipement, alors que cela me prenait jadis plusieurs nuits à faire, ad nauseam, le même parcours. Si cela n’a pas manqué de me faire plaisir, bien entendu, je n’ai su réellement me décider : était-ce une « récompense » suite à mon investissement initial (et notamment à cette augmentation de découverte d’objets magiques vers laquelle je m’étais orienté au fur et à mesure), ou bien le jeu s’était-il transformé en cette bourse de légende qui vomit ducats, deniers et doublons à chacun de mes mouvements ?
Peut-être par enthousiasme, peut-être par curiosité, je me décidais à acheter l’extension. Et près de deux cent heures plus tard – encore une fois -, un Barbare qui peut survivre en « Tourment III » et un Croisé qui approche doucereusement du niveau 70, il est temps pour moi de faire, enfin, un point sur les défauts et qualités de cet épisode qui pourrait bien réconcilier les déçus de Diablo et de ses sbires.

« Prendre hache, ouvrir porte, tuer dragon »

Ceux qui peuvent suivre mes travaux d’écriture vidéoludiques savent bien que j’aime à me torturer l’esprit. Je ne suis sans doute pas loin de cette figure du romantique absent, sur le front de mer, se demandant si cet éclair, au loin, est un symbole de ma peine secrète. Mais je suis aussi un être très primaire qui aime à défourailler du zombie et du streumon en cliquant comme un forcené sur ma souris ou mon clavier. On ne se refait pas. Et Reaper of Souls de s’adresser univoquement à cet anima jungien qui nous habite tous.
L’histoire de l’extension, en effet, est d’une bêtise et d’une idiotie inimaginables. Déjà que celle de la série ne brillait pas spécifiquement pour ses talents narratifs, elle passe cependant pour du Shakespeare au regard de ce que nous ont concocté les développeurs ici. Que l’on me pardonne ne pas entrer plus ici dans le détail mais j’avoue m’être infiniment désintéressé du propos développé. Les dialogues et les cut-scenes me coupaient dans mon élan, et je n’ai su manquer de m’exclamer plusieurs fois, alors que l’on me demandait d’arrêter telle catastrophe ou de me rendre en tel lieu : « Oh, ne me dites pas qu’il me faudra cliquer sur des monstres ? Ce serait surprenant ! ».

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D’ailleurs, Blizzard ne me semble pas totalement innocent ici : et contrairement à la vieille Lord of Destruction, cette extension prend garde à ne pas multiplier les axes narratifs inutiles et garde une structure en « Trois boss » propres aux actes primordiaux, ce qui permet de finir celui-ci en, disons, une ou deux heures de temps selon votre abnégation à vider toutes les caves et à explorer tous les recoins de la carte. Aussi, nous le savions déjà : nous n’avons jamais joué à un Diablo pour son histoire.
Or, cela créait un problème majeur avec Diablo III puisqu’il nous fallait absolument choisir un chapitre pour jouer, ce qui bloquait alors l’accès à certaines zones ou tuaient d’office certains boss, toujours source juteuse d’expérience et d’objets. La solution s’imposait alors, et le mode « Aventure » d’être, à présent, votre seul mode de jeu.
Dans cette nouvelle formule, le joueur est invité à multiplier des « quêtes » dans les actes visités (vider un donjon, tuer un boss, trouver un coffre maudit, etc.) et, une fois celles-ci accomplies, d’être récompensé par un « cache », une sorte de boîte mystère contenant potentiellement des objets rares et intéressants. Autre grande nouveauté, les « failles Nephalem » qui consistent en de gigantesques donjons s’achevant par un « Gardien », et c’est encore là que l’on peut trouver le plus grand nombre de légendaires, d’argent et de points d’expérience.

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À nouveau, mon cœur balance et le dilemme est le même que celui présenté plus haut : d’un côté, il est agréable de se plonger directement dans l’aventure, de multiplier les quêtes et les failles, de ne rien faire d’autre que de tuer, ramasser des objets et de l’argent et d’améliorer son équipement ; de l’autre, on a là une sorte de reader’s digest du hack’n slash, un peu comme si une aventure de Mario ne se résumait qu’en un seul et unique niveau généré aléatoirement et qui ne s’arrêtait qu’une fois la lassitude venue.
Paradoxalement, en contentant ainsi les joueurs et en leur offrant, sur un plateau doré, tout ce qui fait l’essence du genre, Blizzard montre les ficelles qui tirent les marionnettes et rend on ne peut plus mécanique ce qui pouvait rester de subtilité dans le jeu originel. Certes, l’Hôtel des ventes avait déjà enclenché ce processus ; mais ici, tout est fait pour faire de Reaper of Souls un jeu taillé pour le late game voire le jeu professionnel. Comme son nom l’indique, le jeu a « fauché l’âme » de Diablo : et si l’on pouvait encore, avant lui, prétendre être un héros de Sanctuaire, nous ne pouvons faire autrement ici qu’être un joueur appliquant une routine certes agréablement huilée, mais vidée de toute passion.

Ne pas croiser les couteaux…

Ce parti-pris, qui en soi en vaut un autre, donne cependant l’assurance – du moins, cela semble bien parti pour – d’un renouvellement constant de l’intérêt du jeu par l’ajout de nouvelles quêtes, de nouvelles capacités, de nouveaux objets et, bien entendu, de nouveaux personnages. Il nous faut alors parler ici du Croisé, nouvelle figure des héros de Sanctuaire.
L’on pensera bien évidemment au Paladin de Diablo II ; et si vous avez encore en tête un héros qui peut encaisser un nombre invraisemblable de dégâts tout en en infligeant un maximum, vous ne serez pas déçus. Alors que je jouais « barbare » jusqu’à présent, je pense changer mon fusil d’épaule ou, plutôt, ma hache de main. Parfaitement conforme à la nouvelle orientation, dirais-je, « artificieuse » de Diablo III, il représente parfaitement tout ce que le jeu peut avoir de grand, et tout ce qu’il peut avoir de petit.
Il est grand par son build incroyablement diversifié – peut-être même le plus diversifié de tous – qui permet d’aborder les situations comme on le désire et, même, d’expérimenter tout son saoul ; il est petit par le sentiment d’impunité qu’il peut conférer au joueur, l’augmentation rapide de ses caractéristiques qui ne demande qu’un moindre calcul de la part du joueur, la facilité que l’on peut avoir à le contrôler.

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Aussi et en soi, j’avais déjà tout dit dans mon article sur Diablo III. Je disais ainsi, et je me cite, « Diablo 2 était une belle farouche mais putain, qui nous repoussait sitôt qu’on l’approchait avec un bouquet de roses, et que l’on devait forcer pour se faire plaisir. Diablo 3 est une fleur de la passion torride et aimable, douce bien que fière, et qui toujours se laisse courtiser. »
Reaper of Souls d’exacerber encore ce sentiment. Pour moi, j’en ai lourdement pour mon argent. Mais qu’on le sache : Diablo III a définitivement fermé la porte au rêve et à l’illusion pour entrer de plain pied dans le monde des statistiques et de la répétitivité. Ce n’est pas loin d’être la définition du travail, à ce qu’il semble…

Sauf qu’ici, tout le monde a une chance d’être promu.

Mathieu

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Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.

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