Punch-Out!! : Le meilleur des rhythm games

Nintendo se complaît dans le recyclage ces dernières années : des héros que l’on croyait définitivement oubliés reviennent par la petite porte, à l’instar des Ice Climbers ou autres Kid Icarus, et d’autres semblent assez costauds pour supporter le poids d’un remake entier.Punch-Out!! et son héros, « Little Mac », sont de ceux-là. Et c’est ainsi qu’en 2009, presque 15 années après sa dernière apparition sur Super Nes, revient ce fameux jeu d’arcade qui marqua les esprits.

Le principe de base est on ne peut plus simple : le joueur se voit incarner un boxeur amateur dans sa longue course pour la conquête du titre mondial. Au cours de sa carrière, il se doit d’affronter des adversaires hauts en couleur, souvent issus d’un pays en particulier et dont il est la caricature : l’allemand autoritaire, le japonais kamikaze, l’irlandais batailleur. L’humour du casting va de pair avec ce que l’on aura appelé la « pauvreté » du gameplay, du moins en comparaison d’autres titres du genre, Ready 2 Rumble notamment. Le jeu n’autorise aucun déplacement autour du ring, Little Mac restant freluquet aux pieds de béton : et il ne peut guère que se baisser et esquiver à gauche et à droite les nombreux coups, parfois à la limite de la légalité, de ses adversaires.

Il est sûr que pour un jeu de combat, cela fait tache. Qui imaginerait un Super Mario 64 dans des couloirs à la Pandemonium! ou à la Crash Bandicoot ? À moins que…

Punch-Out!! of the Colossus ?

À moins que l’on ne se soit mépris sur le genre du jeu, et qu’il ne s’agisse pas, et ce malgré le ring, malgré les gants, malgré la petite clochette et l’arbitre qui scande « Knock-out! » d’un jeu de boxe. Si l’on y regarde de plus près même, l’on s’aperçoit que le titre est aussi éloigné d’un jeu de boxe qu’un jeu de course : ainsi, inutile d’éviter les coups dans l’espoir que l’ennemi se fatigue, son « pattern » se répète ad nauseam jusqu’à la fin des trois minutes règlementaires. Pas la peine non plus de croire qu’un uppercut fera toujours plus de mal qu’un direct au foie, cela dépend lourdement du personnage. Et inutile de faire appel à l’arbitre pour ce coup de tête ou ce coup de pied donné en-dessous de la ceinture.

Punch-Out!! combine en réalité deux tendances directement issues du jeu d’arcade : et à la façon d’un 3 wonders, à vous de décider, en début de partie, à quel jeu vous voulez jouer.

Généralement, l’on commence par le versant « Boss battle » lorsque l’on découvre le jeu. Chaque adversaire se conçoit en effet comme un adversaire unique, un « boss » de fin de niveau, avec ses coups spéciaux, propres à ce dernier. Pas un boxeur en effet ne donne son uppercut ou son direct de la même façon, et l’esquive ou la réponse à donner diffèrent également selon le personnage. Il convient donc d’apprendre, lentement, progressivement, notamment par le mode « entraînement » la façon de faire. Car si les premiers boxeurs, mettons ceux de la première ligue, peuvent s’affronter par pur réflexe, tant ils sont lents et leurs coups téléphonés, les choses se gâtent dès la deuxième ceinture où certains timings semblent contre-instinctifs et les procédures d’esquives plus vicelardes, comme les uppercuts de Great Tiger ou la méthode de combat d’Aran Ryan, qui demandent une grande faculté d’adaptation.

Au cours de ce premier mode, l’on gagne souvent par la montre, ou par « Tko ». Les étoiles, récompenses venant saluer un beau geste et permettant de donner un coup plus puissant souvent décisifs, n’arrivent qu’au compte-goutte, voire pas du tout, et même si la victoire scande notre partie, l’on garde une sale impression en bouche. Qu’importe, se dit-on, l’essentiel étant de gagner.

Avec beaucoup de temps et d’investissement, l’on parvient enfin à vaincre l’intégralité des boxeurs, soit les six ligues. On débloque même le personnage secret.

Et là, « c’est le drame » : impossible de le vaincre. L’entraînement ne sert à rien. On ne parvient pas à le mettre ko ne serait-ce qu’une fois, et il nous lamine joyeusement. À contre-cœur, et parce que l’on s’imagine qu’il s’agit du dernier adversaire afin de plier le titre, on décide de réaffronter nos anciens opposants pour gagner en rapidité d’exécution. On découvre alors qu’à chaque adversaire est affilié trois challenges permettant de débloquer une carotte : le sound-test dudit adversaire. On se prend au jeu. Mais les choses ne sont pas aussi simples que cela…

Non, Punch-Mania !

Les challenges sont effarants. « Faire un TKO en 3 coups », « Battre l’adversaire en moins d’une minute onze », « Trouver 9 façons différentes de gagner des étoiles ».

On rigole les premières fois. On s’énerve les secondes. On pleure les troisièmes. Et ce n’est qu’au bout de nombreux essais, notamment face au Disco Kid ou à King Hippo, que l’on comprend que l’on était passé à côté de cinquante pourcents du jeu. Car ce qui n’était jusqu’à présent qu’une affaire de réflexes devient un rhythm game des plus exigeants, Beatmania déguisé, et l’on comprend dès lors les limitations de gameplay imposées par le jeu. Tout comme il n’y a guère plus que cinq touches pour un Beatmania, il n’y a pas plus de six mouvements pour un Punch-Out!! : esquive gauche, esquive basse, esquive droite, coup de poing bas, coup de poing haut, coup-étoile. La protection de base ne sert à rien, on le saura, et est même sanctionné par la perte d’un cœur, signe qu’il faut s’en passer rapidement.

Grâce à ces six malheureuses touches, chaque affrontement, ou plutôt chaque challenge (car certains sont incompatibles avec d’autres) devient une mélodie à apprendre sur le bout des ongles et à restituer avec un minimum d’erreurs. Le jeu en devient incroyablement subtil :

  • Les coups ne sont plus évités, mais contrés efficacement pour gagner une étoile, voire mettre ko en une pichenette ;

  • Un coup-étoile judicieusement placé met ko, et permet même parfois de finir le combat ;

  • L’on découvre les « combos infinis » sur des adversaires que l’on pensait trop véloces pour être battus sans servir de punching-ball.

Le jeu recèle ainsi de nombreuses subtilités : les adversaires peuvent ainsi être battus sans esquiver une seule fois, rien qu’en frappant au bon moment ; tous les adversaires possèdent un « ko-étoile », que l’on déclenche au bon moment, après avoir suivi un certain pattern : esquive, contre-coup, protection, qui diffère selon l’adversaire, et certains sont encore activement recherchés ; et chaque ennemi possède une « cinématique » de ko, souvent hilarante, qui vient récompenser le fait que l’on a trouvé le bon pattern.

En vérité, pour les trois challenges de chaque boxeur, l’on peut considérer qu’il s’agit d’un enchaînement à apprendre et à restituer, et ce pour accomplir des exploits que l’on croyait alors inaccessibles. Longtemps après, on se souvient de certains, et on les restitue sans mal, tant il fut difficile de les assimiler.

Punch-Out!! cache bien son jeu. Utilisant un gameplay limité pour en faire une force, il est un excellent représentant de cette philosophie des jeux Nintendo, philosophie que l’on reproche souvent (je pense notamment à des jeux comme Yoshi’s Island ou le plus récent Wario Land: The Shake Dimension), à savoir un premier niveau de jeu simple voire simpliste, et un second où l’on s’aperçoit que rien n’a été laissé au hasard afin d’atteindre la fameuse barre des 100%.

Ce ne sont pas des jeux faciles, contrairement à ce que l’on pourrait penser : ils demandent de l’investissement.

Alors, que l’on y réfléchisse à deux fois avant de les traiter de casual. Car ils sont tels silènes, et ne se découvrent qu’à ceux qui acceptent de les ouvrir.

Mathieu

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Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.

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