La difficulté, cette bonne vieille amie.

L’arrivée de Cuphead a provoqué bien des émois dans la communauté des joueurs. Pour ses graphismes magnifiques, ouvertement inspirés des dessins animés des années 30 où l’on ne fait plus la différence avec l’animation. « On croirait un dessin animé ! » que l’on se disait à la sortie de X-Men ou Darkstalkers en 1995 en arcade puis 32 bits.

Nous étions finalement bien loin du compte.

Mais le jeu du studio MDHR fait surtout parler de lui pour sa remarquable difficulté. D’un autre âge diront les plus vieux qui pourtant s’y sont confrontés dans les salles de jeux, et détestable pour les joueurs habitués à être assistés. L’on parlait de la « casualisation » avecla Wii, que la vérité est ailleurs vu les nombreux check points, respawn, QTE et autre possibilité de récupérer de la vie en se planquant dans un FPS. Le procès n’est alors pas à faire à Nintendo ; bien des jeux dits matures pour hardcore gamers sont en vérité peu complexes.

De fait, reconnaissons que même en étant un joueur chevronné, l’on a perdu cette habitude de l’attention permanente, du reflex immédiat et de la façon de jouer en mode automatique que peuvent imposer à la base les titres arcade à la dépense de pièces facile. L’évolution du loisir devenu commercial et grand public, n’a pas aidé à rester sur nos gardes.

Ainsi Cuphead initialement boss rush, se veut particulièrement retors. Dès le premier niveau run & gun, il est même sans pitié. Un contraste surprenant avec la douceur de son visuel qui n’est qu’un leurre : Cuphead est plus qu’exigeant. Assaillit de toute part, il oblige à analyser rapidement la topologie du décor, et les très nombreux ennemis aux comportements différents pour espérer progresser. Il en va de même pour les fameux boss, aux paternes parfaitement huilé dont le challenge peut rappeler certaines phases de Danmaku.

A l’instar de ces shoot them up, Cuphead prend des allures de Manic Black Label, ou de second run corsé pour joueur confirmé.

Il se voit alors traité de jeu pour masochistes, d’une extrême injustice et vient quelque part minorer la nullité crasse du journaliste de Venture Beat, Dean Takahashi qui fut la risée du monde tout en provoquant l’ire de nombreuses personnes, vu que l’intéressé a eu grand mal à parcourir ne serait-ce que le tutoriel.

Pas simple ce Cuphead. Mais est-il pour autant appréciable? Une coercition telle peut aisément provoquer le dégoût et l’abandon. Pourtant, certains développeurs ont œuvré pour ce retour de la rage des joueurs. L’on pensera à Super Meat Boy ou aux jeux japonais de la série Dark Souls. A la différence qu’il existe une courbe de progression que Cuphead n’offre pas. Il est dur point à la ligne.

A titre personnel, j’ai pu jouer à bien des jeux sévères de par le passé. Ils s’appellent Chelnov, Ghosts’n Goblins, Legend Of Hero Tonma, R-Type et tant d’autres. Pénibles, accaparants, ils sont nommés Dead and Retry. Mourir et recommencer. Perdre les dents serrées et reprendre sa partie de colère. Ils piquent au vif, rendent orgueilleux.

Cuphead bien que moins bien fichu dans l’apprentissage, rappelle ces sensations et se joue de celui qui s’y essaie. On l’aurait apprécié plus doux. Et le plaisir là dedans?

Tout est question de tolérance au supplice qui pourtant répond aux fondations du jeu vidéo. Pac-Man se prend en main facilement, mais qui peut se vanter de l’avoir terminé? Et Quid de Donkey Kong, de Q-Bert, de Solomon’s Key de Nibbler et autre Rick Dangerous? On se souvient des crises de nerfs?  Diaboliques, redoutables et l’on y revenait encore et encore pour accomplir l’un des plus fameux combat : L’homme contre la machine ou comment je ne baisserai pas les bras devant l’adversité.

Mal nécessaire, la difficulté fait partie intégrante de ce loisir, impose ses règles et invite au jeu qui n’est rien qu’une démo technique sans ces dernières.

A ce titre, Cuphead honore parfaitement son héritage et pose cette question :

« Êtes-vous vraiment joueur ? »

Ce que croyaient les infortunés Cuphead et Mugman. A leurs dépens…

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