De DrinkBox Studios, l’on se souviendra surtout de Guacamelee! qui, il y a quelques années, avait fait fureur avec ses couleurs vivardes (inventons, inventons !), son gameplay intéressant et son ambiance mexicaine. L’on pourra dire la même chose pour Severed, mais l’on aura davantage ici le revers de la médaille…
Il y a quelque chose d’incroyable ici : dès l’écran-titre, dès la toute première seconde de jeu, l’on ne peut qu’être convaincu d’assister à quelque chose de parfaitement inédit. Ce n’est pas seulement le design, très carré et géométrique, les contrastes, mélangeant le bleu nuit au rouge sang, ou l’ambiance, empruntant aux Amériques centrales et méridionales, et aux civilisations pré-colombiennes ; mais c’est comme une atmosphère délétère, pesante, étouffante, que l’on ne rencontre finalement que rarement dans notre média.
Il en va, ainsi, de cette scène introductrice et de notre rencontre avec le miroir, qui nous révèle notre membre manquant, nos cernes creusés, notre quête de réunion familiale. La chose dure une seconde, deux peut-être, une musique inquiétante accompagne la séquence : mais son effet est réel, et notre sang bouillonne à l’idée d’aider cette femme, handicapée de surcroît, à s’échapper de ce purgatoire, ou de ces enfers, peuplé d’odieuses créatures, et de retrouver sa famille disparue.
La seule et grande faiblesse de Severed, quelque part, c’est son principe ludique premier, ce qui est on ne peut plus troublant. Ce n’est pas que l’idée d’utiliser sa lame (au moyen de l’écran tactile) pour attaquer puis trancher les membres de ses ennemis soit particulièrement mauvaise, ou que son exécution soit maladroite, au contraire même : que ce soit sur Vita, sur WiiU ou sur 3DS, la chose est parfaitement accomplie et fonctionne sans heurt.
Mais, en réalité, sa simplicité est trop étroite pour supporter toute une partie et toute une aventure, de 5 ou 10 heures ne serait-ce, et ce n’est pas l’adjonction de plusieurs power-up qui changera la donne. Dans Teslagrad, encore, cela allait bien avec le genre du « metroidvania » qu’il développait ; ici, avec son inspiration marquée pour Dungeon Master, l’intérêt peine à se relancer.
Il n’y a rien de réellement caché ici : dès le premier donjon, nous savons d’ores et déjà tout ce que le jeu peut nous offrir. Je ne crois pas alors que la question, ici, soit d’adhérer ou non au principe ou à l’univers, dans la mesure où ils plairont nécessairement et font oublier, pour le premier tout du moins, les maladresses de Skyward Sword et ses duels d’escrimeurs arthritiques.
Non : la question, c’est d’accepter la répétition des mêmes gestes, des mêmes mécanismes, des mêmes idées sans voir assez de variétés pour se sentir transporté ailleurs. Je sais bien, nous savons bien que le jeu vidéo est fondé avant tout sur la répétition : mais ici, plus qu’ailleurs, la chose m’apparaît, m’est apparue, pesante et malgré toute la curiosité que je pouvais avoir et pour les personnages, et pour le design, et pour l’ambiance, je me suis fait souvent souffrance pour avancer.
Étrangement cependant, et malgré ce défaut énorme, disons-le, je ne peux que recommander Severed. Il faut l’avouer : je me suis ennuyé, et certains mécanismes m’ont ennuyé, dans des jeux autrement plus ambitieux, il suffit de revenir sur les articles écrits de ma main sur ce site pour s’en convaincre. Mais Severed a quelque chose en plus, nonobstant sa qualité de jeu indépendant qui, par sa qualité globale, force le respect.
Surtout, il y a de la magie dans ce jeu. Il est rare d’incarner une femme qui ne verse point dans la caricature, il est encore plus rare d’incarner une handicapée, un manchot ; les Dungeon Master-like se font rares, et ils touchent encore cette petite partie sensible de mon cœur ; enfin, l’inspiration maya, toltèque ou aztèque, selon, fait son effet.
Alors, le mot de la fin : il vous faut vous faire souffrance, et il vous faut passer outre la lassitude nécessaire du principe du jeu qui, toute bonne idée soit-il, n’avait pas la puissance pour être le centre de quoi que ce soit. Vous attendra alors l’un des jeux les plus magiques, les plus aériens et les plus envoûtants que je puis connaître, un choix de cœur, pour ainsi dire.
Mathieu
About Mathieu Goux
Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.
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