La vie c’est de la m…

Je pensais qu’il serait difficile de faire pis que les productions de Quantic Dream. Quelle ne fut pas ma surprise en concluant le désastreux Until Dawn. Risible, mal écrit, cliché, David Cage en est déchu de son trône. Un nouveau prétendant à la couronne du pire vient pourtant d’arriver. DontNod avec un Life Is Strange navrant.

J’ai toujours eu grand mal avec les jeux qui prétendent raconter des histoires sans une once de gameplay. Chose que je n’ai pas avec le genre point & click, celui-ci proposant de se creuser les méninges.  Pourtant plus dans la veine actuelle, The Walking Dead a su me happer, tandis que Tales From The Borderlands est on ne peut plus convaincant.

Qualité d’écriture et de mise en scène, ces titres apparentés jeux vidéo n’en sont aucunement mais savent se parcourir comme une expérience interactive, sans la prétention redoutable de certains développeurs que l’on doit désormais appeler «  auteurs», parce que leurs « œuvres » basculent dans le mélodrame.

Et chez DontNod on reprend la recette du « jeu-qui-n’en-est-pas-un mais-qui-putain-a un-scénario-qui-va-arracher-les-larmes-même-du-plus-réfractaire ».

Raté, la boîte de mouchoirs est intacte.

Life Is Strange campe l’histoire d’une jeune fille de dix-huit ans, un pied encore dans l’adolescence qui fait ses études option photographie dans la prestigieuse école Blackwell et son campus d’étudiants. Une gamine banale, pour une histoire banale ? Que nenni. Maxine est capable de visions et de remonter le temps. Belle aubaine si on a mal agi, avec une potentielle ouverture à des tribulations palpitantes.

Sauf que plus cliché et convenu tu meurs. Life Is Strange est fainéant et pioche allègrement dans tous les codes des séries des années 80-90. Ainsi DontNod reprend les tourments adolescents, et mélange Les Années Collège ( Degrassy Junior High), Hartley Coeurs A Vif, Angela 15 ans ; accentue le dramatique en saupoudrant le tout de The Virgin Suicides et en le plongeant dans une sauce Twin Peaks, suite à la disparition de la populaire Rachel Amber, la Laura Palmer locale.

Le tout sur fond de mysticisme bien entendu. Le plat est trop chargé ? Ne bougez pas, la diète n’est pas pour demain.

Car pour un mauvais film/série, il faut de mauvais protagonistes. Pour le coup on n’est pas déçu. Entre Victoria la pimbêche arriviste et fortunée qui avec ses copines serviles et un tantinet connasses, font des coups pendables avec le fils à Papa Nathan qui un brin pervers, organise des Vortex Party, pour que tout ce petit monde estudiantin puisse assouvir ses plus basses pulsions.

Et la pauvre petite Kate Marsh d’en pâtir ; la pauvrette s’étant retrouvée en photos sur les réseaux sociaux dans des situations explicites. Fille de bonne famille, pieuse, détournée en catin d’un soir sous l’emprise de drogues données par ce petit merdeux de Nathan. Dépressive à souhait le souvenir vague, Maxine va l’aider à faire le puzzle de sa vie et coincer la paire de petits bourgeois, tout en enquêtant sur la disparition de Rachel Amber. Il doit bien y avoir un lien…

Fort heureusement, elle pourra compter sur Chloé son ex Best Friend Forever, une ancienne de l’école expulsée et elle même BFF de la malheureuse Rachel. Devenue rebelle et marginale, elle vit avec sa mère serveuse dans un Diner minable et son beau-père ancien héros de guerre, devenu surveillant de Blackwell. C’est que la vie est triste et sans saveur depuis que le décès du patriarche. Alors elle la pimente en fréquentant des dealers, et des lieux interlopes avec Rachel qui comme – ah ben ça alors- Laura Palmer dans Twin Peaks, était loin d’être la jeune femme vertueuse que l’on pensait.

Un duo cliché, entre le calme, la douceur et la rigueur de Max et la violence trompe la mort de son acolyte. La caution amitié à deux sous, vue et revue dans La Vie Rêvée Des Anges et plus récemment dans les films de Géraldine Nakache.

Déjà très indigeste dans son appréhension, Life Is Strange continue son flirt avec les codes et références. Et là attention c’est le grand festival. Tout y passe. Entre les sobriquets données à certains personnages pour la moquerie en rapport avec des humoristes, acteurs, films, comics des années 70-90 ( Abbott & Costello, Fire Walk With Me, Sgt Pepper etc…), et les goûts de la Teen en matière de Giger, et de cinéma de genre comme Cannibal Holocaust, La Planète des Singes etc, tout est expédié ad nauseam, histoire de bien montrer que chez DontNod on est des puristes de la Pop Culture et que l’on aime les clins d’œil.

Un peu comme ce personnage de Gotlib en sacré cabotin : «  Hé les aminches, j’en ai une bien salée, ah ouais le pied hé, elle est bonne hé, attendez j’en ai d’autres ».

On l’avait bien compris et ce dès la séquence d’introduction où Maxine évolue dans le couloir de Blackwell , ses étudiants, ses murs de posters, la vitrine Hall Of Fame, les casiers en métal caractéristiques sur fond de To All Of You des français de Syd Matters. :

To all of you American girls
It’s sad to imagine a world without you 
American girls
I’d like to be part of the world around you
Driving a car by the sea side
Watching the world from the bright side

Ça ne dégouline plus, ça dégueule.

Et on se fout bien que Max et ses collègues soient nés en 95-96, ils vivent en 2013 dans une école qui pue les années 90. Mes années 90, mes codes, alors que je tutoie la quarantaine. Gênant.

Le décorum étant planté, il n’y a plus qu’à ne pas jouer. Car ici aucun QTE, que des choix à faire pour avancer et qui au final n’ont pas d’impact vu que l’on peut à volonté remonter le temps si l’on avait fait un mauvais. De fait, on décide d’une action, on regarde la conséquence et puis non je vais faire autre chose quitte à revenir à la première décision.

Le but de ce genre de jeu est à la base de faire un choix crucial qui doit modifier son déroulement. Là on tente, on revient en arrière sans passion aucune, car Life Is Strange est terriblement mal écrit et monté.

La mise en situation peine dès le début. L’histoire ne décolle pas, on se laisse porter par une narration lente, des personnages sans charisme aucun, incapables de communiquer le moindre sentiment. Victoria est une sale conne, Nathan une belle merde et après ?

Aucune détestation possible vu leur manque d’épaisseur ni même d’empathie pour Kate. Les rôles sont mal joués, et au final servent plus à combler la vacuité de la résolution de l’enquête Rachel Amber qui n’a jamais lieu, vu que l’on ne fait rien sinon suivre un cheminement sans saveur dans un ego trip à la David Hamilton. Il aime les jeunes fille ce salaud de psychopathe.

Avec un peu de culture cinématographique et de Pop Culture américaine, l’on devine sans mal de qui il s’agit dès le second épisode, tout en restant stoïque devant les cliffhangers ; la surprise devient inexistante.

Reste un ultime épisode plutôt convenable, vu qu’il prend enfin la tournure souhaitée avec son délire rêve éveillé dans l’étrange pur. Un épisode appréciable très David Lynch et Hideo Kojima pour un final vain. Dommage, j’y avais cru.

Pour y aboutir, il faudra souffrir les quatre précédents.

Life Is Strange se subit comme un mauvais film, ou une saison interminable d’une série que l’on va tout de même terminer vu qu’elle est commencée. Il faut croire que pour ce genre de production qui devrait se développer avec le temps, l’ajout d’un showrunner est indispensable.

Reconnaissons tout de même à DontNod un bon goût pour ses choix musicaux ( Joe Gonzales, Mogwai, Alt-J) et un certain souci dans la direction artistique ( surtout lors des passages de tempête ), qui arrive à faire oublier un graphisme faible, et qui dans certains moments donne un peu de grâce à ce script décidément oiseux.

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