Une fois n’est pas coutume, je ne vais pas parler de jeux vidéo. Non, je ne vais pas parler du dernier né de David Cage ou de The Order 1886, mais d’un représentant du genre dit de la visual novel, et plus précisément de la suite de 999: Nine hours, nine persons, nine doors, un jeu incroyable… mais que l’on détestera sûrement.
///!!\\\ Cet article est sans révélations sur l’histoire du jeu ///!\\\
Commençons par quelques banalités. Le genre de la visual novel, ou « roman interactif », peut être considéré comme le pendant vidéoludique des « livres dont vous êtes le héros ». Il s’agit là surtout de suivre une histoire en faisant, ponctuellement, un choix quant à la conduite de l’aventure : prendre la porte de gauche sinon la droite, utiliser tel ou tel objet… C’est là un genre plutôt nippon, faut-il dire, initialement associé au manga : il s’agissait pour les joueurs d’explorer des « scénarios alternatifs » et des dimensions parallèles en contrôlant leurs héros favoris, et ainsi s’amuser au-delà de la conduite canonique de l’histoire.
Pour des raisons liées, notamment, à leur localisation (comme on s’en doute, il y a là énormément de textes à traduire, sans parler de toutes les références culturelles à transposer), peu sont les représentants de ce type à avoir traversé les océans. Parmi les plus connus, on peut citer la saga des Phoenix Wright, et le régulièrement évoqué Radical Dreamers, première « suite » officielle de Chrono Trigger et dont l’histoire sera reprise, avec plusieurs modifications cependant, dans Chrono Cross.
En 2010 néanmoins, peut-être inspiré par Phoenix Wright, encouragé par la « nouvelle façon de jouer » que représentait la DS sans doute, arriva 999, de Kotaro Uchikoshi, déjà connu pour son travail du même ordre sur Playstation (notamment par l’intermédiaire de Ever 17: The Out of Infinity). Il s’agit là d’un visual novel mâtiné de phases de point’n click, et le propos s’inspire fortement, profondément même, de la saga filmique Saw. 9 personnes sont enfermées dans un paquebot et sont obligées de collaborer dans des situations de vie et de mort avant de pouvoir enfin s’enfuir.
L’histoire du jeu, où se mêlent agréablement fiction scientifique, twists insensés, amitiés sincères, amours torrides et trahisons bouleversantes, était et est encore d’une immense qualité d’écriture et l’on suivait agréablement ce parcours, de bout en bout. L’une de ses originalités, c’était la possibilité, à tout moment, de « revenir » à un point passé de l’histoire pour prendre une autre route, et voir ainsi ce qu’il advenait : et au-delà de l’aspect pratique de la chose, qui évitait ainsi de devoir recommencer l’aventure du début, cette particularité agréable était intégrée dans le propos même de l’histoire, créant ainsi une dimension méta-vidéoludique, pour reprendre un terme à la mode, pas piqué des hannetons.
L’histoire, fort complexe pourtant, se dévoilait ainsi, petit bout par petit bout : et si ce n’est une dernière image, fort énigmatique, l’ensemble tenait d’un seul corps. Aussi, lorsque sort quelques trois ans plus tard Zero Escape: Virtue’s Last Reward, l’on ne peut que se demander où les choses iront. Disons-le immédiatement : quand bien même n’aurait-il point besoin d’avoir parcouru le premier épisode pour profiter de celui-ci, il permettra cependant d’éclaircir ponctuellement certains éléments, voire certains détails certes inutiles pour profiter de l’aventure, mais diablement élégants pour expliquer certains de ses tenants et aboutissants.
Malgré cela, l’amateur de récit fantastique sera intégralement comblé… ou non. Car VLR me semble, après son parcours, « bigger than life » pour ainsi dire, et semble parfois être dépassé par ses ambitions.
Commençons par l’histoire, sans doute l’intérêt premier de ce genre de jeu, l’aspect ludique à proprement parler tombant, alors, à la marge. Si celle-ci se fait incroyablement riche et vous tiendra sans doute en haleine des heures durant (une vingtaine, peu ou prou, pour accéder à la « vraie fin »), elle peut se faire volontiers confuse également tant elle ne cesse de se complexifier. Quand bien même, par le biais des « fins multiples », se consacrerait-elle surtout à un aspect précis à chaque fois, et qu’à intervalles réguliers seraient faits des « rappels synoptiques » permettant d’y voir plus clair, il convient ensuite de lire, sur Internet, quelques résumés clairvoyants tant les informations s’enchaînent dans la dernière heure du jeu.
Ensuite, mais cela était attendu au fur et à mesure, certaines questions resteront hélas sans réponses… Kotaro Uchikoshi, chafouin, de dire déjà qu’un troisième jeu est en écriture et qu’il devrait satisfaire tout et tout le monde, en espérant qu’il ne tombe pas, non plus, dans le « syndrome Lost« , qui promettait beaucoup, et a finalement offert peu.
Les aspects ludiques, à côté de cela, se font sans doute plus solides, avec des énigmes qui nous renvoient volontiers aux grandes heures de Myst et qui vous demanderont des qualités de réflexion multiples. Si je n’ai pas ici réellement de grief à leur encontre, puisque j’apprécie particulièrement me creuser la cervelle des heures durant, il est en revanche un problème majeur, sur 3DS uniquement (la version Vita, apparemment, est épargnée par ce phénomène) : aussi je le dis ici car cela m’aura porté préjudice. Un bug malicieux corrompra irrémédiablement votre sauvegarde si vous enregistrez votre partie, justement, lors d’une phase d’énigme.
Ne sachant point cela la fois première, j’ai perdu 10 heures de jeu. Alors, il est vrai que l’on récupère rapidement le temps perdu en accélérant les dialogues autant que faire se peut et en résolvant les énigmes brillamment, puisque les solutions ne changent, pour la plupart, nullement d’une partie à l’autre. Mais cela est comme révélateur, toutes choses considérées, de Virtue’s Last Reward : il veut trop en faire et pousse la console à bout, qui se surprend alors à ramer, voire à geler entièrement. Quelle étrangeté ! Des jeux plus impressionnants graphiquement de tourner sans trop de problèmes, et un roman interactif de la mettre à genoux !
En définitive, je pense finalement préférer 999. Celui-ci composait une histoire complète et agréable, diablement bien amenée : VLR, qui se raccroche, parfois, de façon étrange à ce premier épisode et qui semble plutôt être, plutôt qu’une suite, le départ d’une autre aventure (tout comme on l’observe dans la saga Runaway) et comme emporté par son succès, finit par fauter par excès de confiance.
Reste-t-il un excellent représentant de son genre, et les amateurs seront-ils contentés ? Oui, sans doute aucun, indubitablement. Mais je m’attendais, je dois dire, à un peu plus de finition : et si, en commençant l’aventure, on pense l’ensemble poli et amélioré, on découvre progressivement les escarres, les cicatrices, les rafistolages même, qui font penser parfois à de l’amateurisme.
Diantre, je vais encore passer par une fine bouche… Mais que voulez-vous : une fois que l’on a été habitué au génie, on a du mal à revenir à ce qui n’est que du talent.
About Mathieu Goux
Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.
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