Je n’ai pas réellement connu les bornes d’arcade. J’ai eu l’âge d’aller dans les bistrots et les salles d’arcade seul qu’au moment où ces jeux devenaient de plus en plus rares, où les consoles prenaient définitivement le pas sur le marché, où l’on trouvait chez soi des graphismes et des mélodies aussi poignantes et élaborées que les machines de jadis.
Pourtant, j’ai eu une chance un jour de jouer à une célébrité : Metal Slug. Que je vous raconte ma rencontre avec ce jeu qui me fascine toujours autant…
Il y a de cela dix ou douze ans, je vivais dans la petite ville de Castelnaudary, dans l’Aude. J’y ai passé toute mon enfance. Il existe au centre-ville une grande place autour de laquelle se trouvent de nombreuses boutiques et cafés. Un jour, justement, je ne sais pourquoi, j’avais accompagné mon frère, de dix ans mon aîné, en promenade : il voulait chiner dans une brocante qui se tenait alors. Ses emplettes faites, il me propose d’aller prendre un verre non loin. C’était l’été, il faisait chaud, on avait la gorge sèche : quoi de plus normal ? Et il me conduisit alors dans son troquet préféré dont j’ai, hélas ! perdu le nom.
La place de la République… Souvenirs, souvenirs.
À cette époque, on fumait encore dans les bars. On y fumait beaucoup. Et tandis que l’on s’asseyait à une table de libre, à chemin entre l’intérieur et l’extérieur sous une terrasse couverte, mon frère commande un verre de bière et moi, une menthe à l’eau. Je me souviens parfaitement de cette journée : la lumière jaune qui caressait nos mentons, les filles qui se promenaient vêtues de jupes courtes, l’odeur des platanes et le bruit nonchalant d’une ville écrasée par la chaleur. Ce devait être Juillet, ou Août : dans ces périodes, notre hameau devenait tranquille, paisible, agréable. Des touristes et des passants, les uns pressés, les autres non, défilaient inlassablement. On parle de choses et d’autres, d’école et de famille, de ce que l’on a lu récemment en BD ou en romans d’aventure.
Soudain, un bruit me fait me retourner. Un bruit sourd, que j’assimile à un serveur ayant dû faire tomber un plateau de consommations. Pourtant, le son est plus métallique, plus puissant, et surtout, une voix rauque scande un mot que je n’avais alors jamais entendu : Metal Slug…
Délaissant mon frangin, je m’aventure seul dans le lieu de perdition et trouve dans un coin cette borne. Le titre laisse rapidement sa place à son attract mode, présentation rapide d’un des niveaux du jeu pour attirer le chaland. C’était la première fois que je voyais quelque chose ça.
Des sprites fins, détaillés, expressifs ; des explosions de partout ; du sang même, quelques giclées. Moi qui ne jouais alors qu’à Mario ou à Zelda, quel choc ce fut pour mes petits yeux ! Le jeu m’attirait énormément, j’avais l’impression de transgresser un interdit, comme un adolescent peut regarder en cachette le film érotique de M6 quand ses parents s’endorment. Cela paraît stupide, mais j’avais la sensation de me trouver devant quelque chose qui ne m’était pas destiné et que je pouvais pourtant toucher, caresser, effleurer de mes doigts gourds. Je remuais le stick, touchais les boutons. Bien entendu, rien ne se produisit. Mon frère, qui me suivait du coin de l’œil, me demanda l’air malin si je voulais jouer. Interdit, j’opinais du chef. Il esquissa alors un sourire, mit deux crédits dans la borne et nous commençâmes à tuer des soldats par légions.
Mission 1: Start !
Cela tirait dans tous les sens, les ennemis débouchaient de partout. Tant bien que mal, nous avons réussi à finir le premier niveau, puis le second, le troisième en revanche nous tint en échec. Mon frère partit faire de la monnaie et nous reprîmes notre mission de la plus extrême importance. Après une heure ou une heure et demie d’échecs et de réussites, nous vîmes le générique de fin.
Je pense que Metal Slug garde une place particulière dans mon cœur pour cette anecdote. Je ne peux nier les nombreuses qualités du titre, mais je lui préfère, avec le temps, le deuxième ou le troisième opus, bien plus « fun », « fou » et improbable que ce coup d’essai qui était déjà pourtant un coup de maître. Je n’y avais plus retouché jusqu’à ce que je découvre les joies de l’émulation sous Mame, bien des années plus tard. Les sensations furent toujours présentes, toujours aussi fortes.
Ça pète dans tous les sens !!! AAAAHHH !!!
L’arcade est, pour bien des joueurs, beaucoup de choses. La découverte de jeux exceptionnels, une ambiance de camaraderie après les cours du lycée… Pour moi, c’est cet après-midi que j’ai passé avec mon frère.
Comme quoi, les jeux vidéo font des miracles partout.
Mathieu
About Mathieu Goux
Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.
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