Mario & Luigi: Dream Team : La plus belle des déceptions

Le titre de cet article doit déjà dévoiler, plus que de raison, la conclusion de ce texte : en effet, je juge ce jeu comme étant la plus belle des déceptions, non dans le sens où le jeu serait raté de bout en bout, sûrement pas ; mais plutôt dans le sens où si le jeu reste une grande déception vis-à-vis des attentes que j’ai pu formulées, il n’en reste pas moins rempli de bonnes choses et il n’aurait fallu qu’un rien, qu’une pichenette, pour en faire un chef d’œuvre faisant oublier les errements des jeux précédents.

Les « enfants » du fameux Super Mario RPG, Paper Mario d’un côté confié à Intelligent Systems et SuperStar Saga, développé par AlphaDream me font penser à ces amis qui se connaissent quasiment depuis toujours et qui, bien que n’ayant pas de relations régulières, ne manquent pas de suivre, peu ou prou, le même chemin. Après un premier épisode fondateur et exceptionnel sur bien des plans, ils furent chacun suivis par un deuxième opus de bien moindre qualité qui ne sera jamais que la repompe, sur un support plus puissant, des idées précédentes (The Thousand-Year Door, Partners in Time) et ce malgré quelques trouvailles de temps à autres et par un troisième numéro, lamentable sur bien des points et ce malgré, encore une fois, quelques bribes d’élégance cachée (Super Paper Mario, Bowser’s Inside Story).
Avec la sortie de Sticker Star, que j’ai profondément aimé malgré, sans doute, un contenu un peu chiche, je n’en attendais pas moins du frangin. Ce dernier, à mon grand regret, a trébuché en suivant son frérot mais arrive quand même, le genou en sang, clopin-clopant, à passer la ligne d’arrivée.

Et ça commence, encore et encore… (bis)

Bien entendu, je ne saurai faire l’économie de ce rappel : le jeu est bavard. À chaque reprise, à chaque nouvel environnement, à chaque traversée d’un portail onirique, nous sommes repartis pour plusieurs longues minutes d’explication, de tutoriels, d’évocation d’une évidence que l’on croyait pourtant acquise.

Mais pour chaque mal, nous dit-on, il y a un bien et effectivement : si ces phases sont interminables, c’est la faute des idées galopantes des développeurs qui ont cherché à exploiter, autant que faire se pouvait, les pouvoirs des frères ; et quand bien même j’aurai été agacé, j’ai surtout été admiratif de l’ingéniosité avec laquelle, ne serait-ce, Oniluigi peut être utilisé dans le jeu, que ce soit pour remonter le temps, changer le sens de la gravité ou se transformer en boule destructrice. Il est malheureux, cependant, qu’il ne faille attendre le dernier tiers de l’aventure, soit à compter de 15 ou 20 heures de jeu en prenant plus ou moins son temps, pour qu’enfin les mondes du rêve nous demandent d’exploiter de nous-mêmes ces pouvoirs sympathiques sans nous prendre la main ; et j’ai même dû de temps à autres m’appesantir sur une énigme ou une autre pour en trouver la solution.
Il reste malheureux, cependant, que l’acquisition de ces pouvoirs soit si délayée, certains étant même expliqués à plusieurs reprises : pourquoi donc, par exemple et pour rester sur la transformation en boule, ne pas nous dire immédiatement que l’on peut se suspendre aux crochets et s’en servir comme masse d’arme ou comme fléau ?

Et il en va d’un peu tout, malheureusement et comme je l’ai dit, jusqu’à assez tard dans le jeu. J’entends qu’il faille rendre le titre accessible aux plus jeunes, mais je pense qu’ils sont, au contraire, les premiers à pouvoir se lasser de ces explications à répétition. Qu’il aurait été préférable, dans les premières zones, de tout avoir et de laisser le joueur résoudre les énigmes de lui-même !
Si je puis comprendre, concernant l’
overworld et le « monde réel » que ces capacités soient données au fur et à mesure car justifiant le backtracking en permettant d’explorer des zones jadis inaccessibles, ce n’est pas le cas des zones oniriques qui ne sont à visiter, pour la très, très grande majorité, qu’une seule et unique fois, un seul passage suffisant pour tout récupérer.

Il y a, selon moi et ici, un profond problème de rythme. Un autre exemple pour illustrer ceci : dans la première traversée du « Désert du Sommeil », le joueur apprend à se servir d’une foreuse géante évoluant sur rails pour trouver divers objets. La chose vient varier le gameplay et bien que le segment soit court en soi, il est de bon aloi.
Ce qui est agaçant, c’est la façon dont la chose est présentée : on rencontre une foreuse une première fois sur un court tronçon, on y grimpe et on nous explique son fonctionnement ; on change alors d’écran, ce que l’on ne pouvait faire sans la foreuse et là, un second personnage nous donne un très long tutoriel sur les tenants et aboutissants de l’instrument que nous venons à peine d’utiliser ! Et une fois cette torture terminée, et tandis que nous avons enfin la main… voilà qu’un événement nous plonge d’office dans le monde du rêve, retardant davantage encore l’utilisation de l’objet.

J’ai beau être quelqu’un de calme, je vous jure que j’ai failli, à cet instant-là, lancer de colère ma console par la fenêtre.
C’est sans doute ici le plus grand des défauts : mais s’il n’y avait encore que cela, j’aurai su passer outre. Non : d’autres petits éclats viennent entamer le jeu.

La zone de confort

Je me suis posé la question : pourquoi donc Paper Mario et SuperStar Saga sont-ils, dans mon cœur tout du moins, les mieux réussis de leur série respective ? Certes, il est des aspects de rythme, de maniabilité, d’idées ; mais en tant que RPG, il ne faut négliger l’importance de l’histoire elle-même même si, évidemment, elle peut prêter à sourire par rapport aux cadors du genre.

Le premier Paper Mario présente une histoire classique : Bowser enlève la Princesse Peach, et Mario de venir la délivrer. C’est, alors et surtout, les micro-séquences narratives de chaque chapitre qui permettent de colorer l’ensemble et de faire évoluer les personnages sur des sentiers inédits.
SuperStar Saga est peu ou prou du même ressort mais, ici, c’est l’ensemble du jeu qui semble atypique car ne se déroulant pas, pour l’une des rares fois dans l’histoire de Mario, dans ce sacré Royaume Champignon et même si l’on ne manquera d’y trouver des personnages connus comme Bowser, ce dernier a au tout début du jeu perdu la mémoire : on sort, encore une fois, de la « zone de confort » de l’univers de Mario et l’on retrouve cette distance que l’on ressent en jouant, pour prendre exemple sur une autre série canonique, à Link’s Awakening ou Majora’s Mask se déroulant respectivement en Cocolint et en Termina.

Si la série « Paper » a alors toujours cherché à s’éloigner du royaume champignon, Super Paper Mario se déroulant dans un univers entièrement novateur, celle des « SuperStar » cherche autant que faire se peut à nous y ramener, de gré ou de force : et si j’ai été heureux de voir, au début du jeu que nous nous rendions sur une nouvelle île, avec de nouveaux personnages (le « Chien-Cube » de l’introduction a un excellent design), voici les choses revenir au galop avec cet idiot de Bowser qui se lie avec le nouveau méchant, et les Goombas, et les Maskass, et les Plantes Piranhas de revenir en force dans cet univers.
Certes, c’est bel et bien une « invasion » : et je suppose que, quelque part, l’effet est réussi puisqu’il est profondément dérangeant. Mais j’aurai davantage apprécié que les développeurs prennent plus de risque et s’en tiennent à leur idée de base : Mario, cela a été montré par le passé et notamment sur
Game Boy, sait exister sans Peach ou Bowser, tout comme Link peut exister sans Zelda ou Ganon. Ce sont, à présent, des personnages assez forts, aux caractères bien définis – du moins dans ces jeux de rôle-ci – et ils ont une plasticité assez impressionnante.

J’avais alors pensé que le prétexte du rêve pouvait nous permettre de voir de jolies choses, déformations oniriques obligent ; et même si, effectivement et de temps à autres, la distorsion du réel crée un sentiment agréable de déplacement, il aurait encore fallu que ce soit vraiment les peurs des plombiers, déformant et créant des chimères à partir des nombreux dangers qu’ils eurent à traverser le long des décennies, qui sourdent brutalement sur l’écran et non pas une énième variation sur le Clan Koopa qui agace du moment qu’il sort de son strict rôle de « méchant par définition » comme dans les jeux de plates-formes.

« Too little, too late »

Et pourtant, il y a de bonnes choses dans ce jeu. Les saynètes longues et inutiles de Bowser’s Inside Story ont été troquées pour de la pantomine brève et efficace, et il faut voir Oniluigi enlacer son frère dans le monde du rêve et Luigi, dormant, sourire dans le monde réel, pour sentir son cœur s’attendrir, me renvoyant même à certains sketchs de Gaston Lagaffe, lorsque Fantasio susurre divers mots au « héros-sans-emploi » pour tester ses réactions, la plus heureuse étant celle suivant son propre nom ; il faut le voir, dans le sommeil de Luigi, toujours, bouger légèrement la tête ou chuchoter en fonction des événements sur l’écran supérieur.

Le monde « réel », de même, est l’occasion d’assister à plusieurs scènes et dialogues pas trop mal sentis, encore une fois assez drôles (les frères Muskulos, bien qu’agaçants sur la longueur, partent avec un capital sympathie assez élévé) et même le personnage de Tit’étoile du dernier épisode en devient attachant lorsqu’il tire sur une moustache ou s’émoustille devant la réussite d’une action. Le jeu parvient aussi à ne pas trop tirer la corde de l’auto-référence et ce même si plusieurs éléments renvoyant notamment au Royaume de Végésia du tout premier SuperStar apparaîtront aux joueurs attentifs.

Les aspects purement techniques, de même, sont bluffants : que ce soit la musique, notamment celle des boss qui reste très dynamique, les effets de profondeur lors des attaques diverses ou même le dessin des environnements qui n’est pas sans rappeler, principe de l’île oblige, Super Mario Sunshine avec ces plages et ces villes d’inspiration méditerranéennes (ce qui n’est sûrement pas pour me déplaire), le jeu est « beau ». Il évolue enfin et sort de ce côté bi-dimensionnel qui ne l’avait jamais quitté et renvoie, comme je le disais jadis, à Super Mario RPG en étant plus proche de figurines en pâte à modeler qu’à une débauche de polygones.

La difficulté, enfin et quant à elle, est sans doute aucun trop basse pour un jeu du genre et je recommanderai aux habitués de s’abstenir d’utiliser objets, badges et/ou attaques frères lors des combats, ce qui permet de se concentrer sur le suc de cette série, l’esquive et la réplique des attaques ennemies qui peuvent toutes être, comme on le sait, évitées. Quand bien même un mode « Difficile » se délivre une fois le jeu fini une première fois, mode augmentant les points de vie des ennemis et leur force, je pense que je n’aurai pas le courage de me farcir une fois encore ces longues explications, ces tutoriels, ce rythme assassin.
Mais si on respecte ce premier conseil et si, seulement ! Nintendo avait pensé à inclure un choix de la difficulté ou, mieux, une option pour passer tous les tutoriels ou les réduire au strict minimum, l’on aurait là un jeu très agréable mais loin, très loin des attentes soulevées.

De fait, Mario & Luigi: Dream Team a tout du « coup d’épée dans l’eau ». Sympathique sans être magistral, énervant sans être horripilant, beau sans être magnifique, il saute mais ne parvient pas, ou alors du bout des doigts, à toucher le piédestal. En en faisant trop par endroit, en en faisant moins par d’autres, il manque à chaque pas de tomber ou bien dans l’abîme du mauvais épisode, ou de s’ériger comme un excellent représentant de sa race.

La solution, pourtant et j’aurai dû le deviner, aurait dû être plus simple : si le passage des consoles de salon à la console portable a permis à Paper Mario de redorer son blason, peut-être aurait-il fallu que Dream Team vît le jour sur WiiU pour avoir un souffle nouveau.

Mais bon, ne rêvons pas.

Mathieu  

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Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.

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