De la typologie du jeu vidéo

Essayant, comme je le peux, de rattacher mes préoccupations universitaires avec ma passion du jeu vidéo, je me suis interrogé récemment sur leur typologie ou, pour employer un terme un peu moins barbare, leur classification en genres bien définis. Ce qui suit est un état de ma réflexion à l’heure actuelle des choses, aussi rien n’est encore dans le marbre me concernant.

L’esprit humain fonctionne de façon mathématique pourrait-on dire, et rien ne lui plaît davantage que de parvenir à classer, organiser et trier les éléments qu’on lui offre. Il suffit de voir la façon dont fichiers et dossiers sont organisés sur nos ordinateurs : non seulement ce système permet, il n’est plus utile de le démontrer, de retrouver efficacement les données cherchées, mais sa fabrication crée une euphorie, la sensation d’avancer et d’y voir plus clair. Celles et ceux qui font le ménage régulièrement dans leurs intérieurs connaissent ce plaisir sublime que d’avoir rangé un salon qui débordait de toutes parts après une soirée particulièrement avinée.

Quoi qu’il en soit, il n’aura échappé à personne que les jeux vidéo, de même que les films, la musique ou la Littérature, sont soumis à ce diktat de la classification. Seulement, de la même façon que les exemples précités, il est on ne peut plus difficile d’établir un classement strict ne souffrant d’aucune critique, la principale raison étant que le système est ouvert et qu’à tous moments peuvent apparaître de nouveaux genres ou de nouveaux sous-genres, qui exigeront parfois la création d’une classe spécifique dont ils seraient les seuls représentants.

Mais quand bien même l’on se positionnerait au sein d’un espace clos, que ce soit une date (« les jeux sortis en 1995 ») ou une machine (« les jeux sortis sur Nes »), il est délicat, voire impossible, d’arriver à une conclusion qui satisfasse tout un chacun.

Il faut déjà se mettre d’accord sur les termes. Prenons un exemple concret, le jeu de plates-formes. Tentons de donner des exemples : Super Mario Bros., oui. Donkey Kong, oui (qui illustre en fait un sous-genre, celui du « jeu de plates-formes à écrans »). Space Panic ? Le personnage ne peut pas sauter pourtant… Ah. Donc on élimine la notion de « saut » dans la définition du jeu de plates-formes. Donc Elevator Action est un jeu de plates-formes, ce qui me cause malgré tout souci.

En fait, en poussant les choses un peu plus loin, l’on se rend compte que tout est dans tout, et que rien ne peut être classifié à part certains cas extrêmes ou ceux, rares, qui ont sincèrement « inventés » un genre.


Action ou Sport?

C’est pour cela que bien souvent d’ailleurs, les réflexions qui me semblent les plus pertinentes sur ces questions sont celles qui se cantonnent à créer des arbres taxinomiques afin de créer des réseaux de ressemblances et d’inspirations plus ou moins directes : le jeu de plates-formes a initié le jeu de plates-formes/action, le doom-like a initié le jeu d’aventure à caméra-épaule (façon Resident Evil 4)… Je simplifie volontairement, les choses étant loin, très loin d’être aussi simples que cela.

Admettons cependant que les choses soient claires une bonne fois pour toutes, et que chaque genre possède sa propre définition exclusive et parfaite. Il reste la question houleuse des genres-mixtes, et de ceux qui utilisent ponctuellement un autre type de gameplay pour illustrer une phase de jeu précise.

Je ne parle pas seulement de Spore (même si ce jeu seul remet à question presque vingt ans de de classifications), mais aussi de jeux comme Actraiser, Sonic 2 (on joue bien au flipper, non ?) ou même encore Metroid Zero Mission (avec sa phase d’infiltration). Autrement dit, à partir de quel moment doit-on considérer que ces références parviennent à définir un genre (ou sous-genre) au jeu, et que cela dépasse le simple clin d’œil ou la référence ?

Si l’on rétorque qu’il faut absolument que cette phase soit décisive dans l’accomplissement du jeu, alors Sonic Adventure 2 peut être vu comme un sims-like, étant donné qu’il faut élever patiemment ses « chaos » pour obtenir de précieuses emblèmes, nécessaires pour finir à 100% l’aventure.

Et, encore une fois ! admettons que les choses soient toutes aussi limpides de ce point de vue, et que l’on mette sur table des critères objectifs permettant de résoudre cette question épineuse. Resterait cependant à déterminer quel est le genre prépondérant entre deux, trois, voire quatre d’entre eux : Megaman est-il plus action ou plus plates-formes ? Zelda plus aventure ou plus a-rpg ? Heavy Rain plus film interactif ou plus film interactif ?

L’on pourrait encore continuer longtemps. Autrement dit, plus l’on cherche à créer une classification stricte, moins on y parvient. En l’essence, cela n’est finalement pas « si » grave que cela, car la création de genres est avant tout, concernant le jeu vidéo tout du moins mais également pour la musique ou le cinéma, une question hautement commerciale : si, auparavant, les sciences génériques n’avaient pour but que de chercher à extraire des caractéristiques précises afin de mieux adapter les commentaires des exégètes (finalement, la querelle du Cid n’est rien autre que cela : doit-on le lire comme une comédie, comme une tragédie, comme une pièce nouvelle ?), elles ont à présent pour rôle d’instaurer des cases strictes dans lesquelles les œuvres vont poliment se ranger, afin de faciliter les choix d’un consommateur effrayé par l’appel d’une quelconque nouveauté.

Cela expliquerait ainsi, partiellement, pourquoi on voit fleurir à intervalles réguliers des « modes » : qui la plate-forme dans les années 90, qui les fps aujourd’hui. Un jeu en particulier crée une tendance, les autres la copient puisque c’est ce qui fonctionne.

Il est d’ailleurs étonnant d’écouter les discours des joueurs : un tel « aime les fps », un autre « aime les rpg », un autre « aime la plate-forme »… mais pourtant, que de différences entre des jeux appartenant, dit-on, à un même genre ! On ne joue pas à Halo de la même façon qu’à Goldeneye, qui ne se joue pas comme un Hexen ; on ne joue pas à Mario comme on joue à Sonic ; on ne joue pas à Zelda comme on joue à Secret of Mana. Et même dans les jeux appartenant à une même saga, que de différences (du moins, si les choses sont bien faites…) !

Sims? STR? ou WTF?

 

Reprenons l’exemple de Zelda, j’en parlais avec un ami récemment et nous nous étions mis d’accord : les néophytes les prennent pour des jeux semblables, mais en réalité chacun se joue d’une autre façon, s’aborde d’une autre façon. L’on pourrait même aller plus loin en disant que ce sont des jeux à chaque fois différent, ne faisant que partager ponctuellement des éléments communs, tout comme les Final Fantasy !

Bref, cette façon que l’on a de dire « j’aime tel genre » est en réalité bien compliquée à mettre en œuvre, car au-delà de l’horizon d’attentes propre à chaque titre se situe une marge de manœuvre exceptionnelle qui va bien permettre de former des « clans » spécifiques et particulier qui jugeront, parfois de façon cruelle, les qualités et les défauts de ce qui les entoure.

Là où je veux cependant en venir, c’est à une façon de conclusion : puisqu’il est impossible de déterminer avec précision à quel genre appartient un jeu donné (exception faite, encore une fois, de quelques rares titres sans ambition qui se cantonnent de remâcher ce qu’on leur a fait manger), puisqu’il est impossible de les classer et puisque dire qu’on aime un genre dans sa totalité est bien inutile car l’on ne peut avoir la même expérience selon les titres, même ceux appartenant à la même saga, alors, finalement, pourquoi conserver cette dénomination ? Tout au plus devrait-on revenir à deux ou trois grands thèmes génériques et larges (« action », « réflexion », « puzzle »…), et basta.

Car la dénomination en genre conditionne, même si l’on n’en a guère l’impression, la réception a priori du jeu que l’on tient dans les mains, avant même que de l’inclure dans sa console ou de le lancer sur son pc, toujours la faute à cet « horizon d’attentes » dont je parlais plus haut. Et c’est notamment à cause de cela que certains titres tombent dans l’oubli ou se prennent en pleine figure des critiques inconséquentes, car l’on se sera surtout concentré sur des querelles de clocher plutôt que de s’intéresser à l’essence même du jeu dont il est question.

Le fait de s’attendre « à jouer à un fps » par exemple conditionne bien trop notre lecture du jeu. Cela s’est vu récemment encore avec le test de Nolife concernant Halo Anniversary où le testeur reprochait au jeu de ne pas être en substance un Modern Warfare… alors que ce dernier s’appuie (mal, mais tout de même) sur les acquis du premier Halo. Le monde à l’envers, en quelques sortes.

Le gros problème des genres, c’est qu’ils créent des exemples à suivre, le reste étant profondément renié. Et difficile est la vie des jeux qui espèrent sortir des sentiers battus.

Aussi, peut-être est-ce que cela ferait un bien à quiconque, surtout au jeu vidéo mais également aux joueurs, de sortir de cette ignoble classification, et de ne plus réfléchir en qualité de « court pour un jeu de plates-formes » ou « difficile pour un jeu de rôle », mais bien en terme de rythme, d’intelligence et de progression, tout simplement.

Ceci pourrait éviter, à l’avenir, de grandes erreurs d’appréciations. Et je ne parle ici ni d’Uncharted 3, encensé par tous, ni de Shinobi 3DS, défoncé par Gameblog. Les lecteurs attentifs auront relevé d’eux-mêmes les erreurs des imbéciles.

Mathieu

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Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.

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