Il y a quelques temps de cela, le jeu de survie Don’t Starve avait connu un joli succès d’estime, pour ses mécaniques sans compromission, sa difficulté haletante mais rarement injuste et son style sémillant. Klei Entertainment revient ces derniers jours avec l’alpha de leur dernière production, Oxygen Not Included, alpha de laquelle je n’arrive pas à décrocher.
On pourra toujours se moquer de ces pratiques qui consistent à faire payer presque vingt euros pour un jeu en cours de développement ; et si la manigance avait été ourdie par je ne sais quel grand développeur, sans doute aurais-je été bien plus fielleux. Mais en toute sincérité, et malgré quelques réserves initiales, cette première version aurait pu sans sourciller sortir telle quelle. L’idée même qu’il ne s’agisse que d’une version alpha (pas même une bêta !) en dit long sur les capacités de cette équipe, son ingéniosité et son mérite.
Quid alors d’Oxygen Not Included ? Dans la lignée de Don’t Starve, nous avons là un jeu de survie dans un environnement inhospitalier, en l’occurrence un astéroïde perdu au milieu de l’espace. Suite à une pirouette scénaristique dont on ne saura rien, trois bonhommes se retrouvent transportés dans une sorte de caverne faiblement pourvue en oxygène. Le gaz disparaît vite cependant, et il ne tient qu’au joueur de faire survivre ses avatars en creusant la roche grâce à des fusils récoltant, dissipant et fabriquant la matière, en construisant des aménagements divers pour fournir eau, air et nourriture et, globalement, rester en vie le plus longtemps possible.
La vue choisie est celle d’une 2D efficace, qui revendique peut-être un aspect « flash » propret qui n’a que l’apparence de la simplicité. On prend plaisir à grossir la vue et à observer ces explorateurs vaquer à leur occupation, manger l’air contenté, reprendre leur souffle ou être dégoûté. La majeure partie des contrôles s’effectue à la souris, le clavier n’étant là que pour naviguer dans sa base en construction et pour rapidement accéder aux différents menus : en un éclair, l’on comprend les rudiments de la chose, et l’on commence à construire notre univers.
Les premières parties, à l’instar de Don’t Starve qu’il est difficile d’oublier, se soldent vraisemblablement par plusieurs échecs. On apprend les règles de ce monde, lentement, progressivement, et on s’améliore notablement de partie en partie. Au commencement, trois besoins vitaux sont à pourvoir : les toilettes, la nourriture et, enfin, l’oxygène qui sera sans doute la ressource la plus importante à acquérir. Au fur et à mesure des versions successives du jeu, toujours en développement je le rappelle, d’autres paramètres à gérer sont apparus : l’eau courante, qui intervient dans la mise en marche de nombreuses machines ; la température, les mécanismes électriques surchauffant et pouvant se briser si un seuil de chaleur est atteint ; les différents gaz que produisent l’environnement, chacun avec sa physique propre, le gaz carbonique tombant au sol, l’hydrogène se concentrant en hauteur ; le stress de nos personnages, qui les amène en cas de rupture nerveuse à vomir, à détruire les installations voire à tomber en pâmoison.
Chaque geste, chaque action entraîne avec elle des conséquences et plus que jamais faudra-t-il raisonner plusieurs coups à l’avance. Creuser un nouveau tunnel, c’est s’assurer que l’air y sera respirable, l’oxygène se répartissant équitablement ; c’est se demander si le sol de cette cuvette d’eau tiendra le choc, ou s’il faut la renforcer pour éviter les inondations ; construire un nouvel équipement électrique, c’est prédire sa consommation, construire de nouveaux générateurs, et alors veiller à leur possible surchauffe ; accueillir un nouvel arrivant, le portail initial les générant à intervalles réguliers, c’est certes accélérer le travail en cours, mais cela exige de pouvoir lui donner un lit, de le nourrir, de le faire respirer ; et ainsi de suite.
À son stade actuel de développement, on peut déjà faire beaucoup de choses et le « first game », c’est-à-dire les premières étapes de construction, permet déjà de varier les approches en fonction de notre environnement, aléatoirement généré en début de partie. On peut choisir de récolter des algues près des points d’eau pour fournir oxygène et nourriture, ou bien de pomper de l’eau pure pour en isoler l’hydrogène ; on peut ramasser les déjections des rares espèces animales pour les traiter et en tirer de l’air et d’autres ressources, ou encore se faire fermier et faire pousser des plantes étranges qui empruntent tant à la faune qu’à la flore, et ainsi de suite.
Passé cependant ce stade de la découverte, le reste trahit son origine débutante et les parties subséquentes, une fois assurés les besoins premiers, tendent à toutes se ressembler. On recycle l’eau, puis le gaz toxique pour fournir des ressources ; on étend progressivement sa base en hauteur, voire en longueur si nos infrastructures le permettent, et on accueille de plus en plus de survivants. Éventuellement, l’on finit par toucher le cœur magmatique, en creusant, ou le vide intersidéral, en montant ; et on ne peut rien faire de plus. À l’heure actuelle, l’on peut considérer que débloquer l’ensemble de l’arbre de technologies, entre le trentième et le centième jour, scande la fin d’une partie.
Les forums du développeur débordent alors de nouvelles idées, proposées par les utilisateurs, dans une forme de création collaborative qui n’est pas sans me déplaire. On parle de faire de la géothermie ; de collecter l’énergie solaire ; de faire face à des invasions extraterrestres, la vie de ce rocher étant pour le moins éparse ; de construire des centres de formation ; de faire se reproduire les survivants pour construire de véritables cités souterraines puis de se lancer dans une conquête spatiale pour coloniser d’autres astéroïdes ou revenir dans la mère patrie.
Il y a donc dans Oxygen Not Included comme une montagne russe d’impressions : la découverte est fascinante, on échoue souvent, comprend ce qu’il n’allait pas, on recommence en planifiant davantage nos gestes et on parvient à faire une base quasi-autonome. Plusieurs heures plus tard, on atteint un seuil : il n’y a plus rien à découvrir et les méthodes de survie les plus élaborées exigeant des ressources naturelles, elles finissent pas échouer car on ne peut synthétiser ce qui nous manque. Tôt ou tard, la colonie finit toujours par mourir car il nous manquera qui du métal, pour construire des machines, qui du sable, pour filtrer l’eau polluée, qui de la terre pour faire pousser des plantes. Comme il n’y a pas, du reste, de ligne scénaristique clairement établie et, partant, d’objectifs autres que la survie, on finira toujours par se lasser.
C’est alors qu’on se rappelle que nous avons là que les prémices d’un produit final, qui devrait proposer une finalité à nos gestes, des technologies supplémentaires pour entrer en autarcie totale, un choix plus grand quant à l’orientation de nos parties. Le jeu, tel qu’il est et je le répète, est déjà incroyablement plaisant et il faut l’avoir épuré, comme je l’ai dit, plus d’une semaine pour en entrevoir les limites. J’ai hâte d’avoir accès aux futures mises-à-jour et aux nouveautés qui en feront un produit solide de bout en bout.
Si je ne veux pas tomber ici dans le piège du « guide d’achat », il me faut cependant revenir sur mon propos liminaire. Doit-on réellement donner une vingtaine d’euros pour un jeu solide certes, mais qui n’est jamais que la promesse d’un résultat futur, qui demande de nombreuses optimisations pour véritablement être présentable ? Car outre ces questions de rythme et de pérennité d’une partie, qui fait que l’on en fera nécessairement le tour tôt ou tard, on notera qu’il y a là aussi quelques aspects perfectibles du point de vue technique, des bugs plus ou moins gênants, quand un survivant ne parvient pas à finir une construction ou quand une machine ne fonctionne point, alors que tout est en ordre ; ou encore un sérieux défaut d’optimisation, qui fait ralentir la partie sous certaines conditions nébuleuses et rend pénible la gestion des grandes bases.
Personnellement, je ne regrette pas la découverte et je juge, compte tenu de ce que l’on m’offre déjà, en avoir pour mon argent. Le titre est solide et il ne pourra aller qu’en s’améliorant, c’est là une certitude : mais celles et ceux qui aiment à micro-gérer leur colonie sptiale voudront sans doute attendre la complétude du projet, d’ici quelques mois, de peur de perpétuellement se dire « et si… ». En attendant, je vais continuer d’envoyer mes bonhommes de pixels à leur mort, en espérant qu’elle soit la plus tardive possible.
Mathieu
About Mathieu Goux
Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.
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