Petit plaidoyer contre l’uniformité de nos listes et nos boutons
Ca y est, le petit nouveau est arrivé : après plusieurs jours de jalousie à l’endroit de nos cousins japonais, le Smash Bros. nouveau est en place dans tous les bons négoces d’Europe et d’Outre-Atlantique. Né sous le blase de Super Smash Bros. for 3DS, cet épisode portable est le quatrième de sa série… mais déjà le douzième jeu de Masahiro Sakurai en tant que réalisateur ou game designer principal.
Dans le CV du bougre, l’on retrouve évidemment les premiers jeux Kirby (il est le créateur de la série ) mais aussi deux autres titres remarqués : le puzzle-game à gravité variable Meteos, et le simulateur d’ange armé qu’est Kid Icarus : Uprising. Ces jeux ont indéniablement la patte Sakurai.
Un gameplay souvent simple à comprendre mais difficile à maîtriser pour qui osera pousser le curseur de difficulté à son maximum, un univers riche en personnalité ; ses jeux sont souvent remplis à ras-bord de défis à accomplir et de récompenses à débloquer. En bref, un jeu Sakurai, c’est du contenu en pagaille, de la générosité roborative.
Il est alors aisé de se perdre dans une telle masse d’activités proposées. Une fois que j’ai lancé mon Smash Bros., vais-je tenter le mode classique dans une difficulté plus élevée ? Jouer en ligne contre mes amis ? Acheter de nouveaux trophées ? Tester mes réflexes dans un des mini-jeux du stade ? Et avec quel personnage ? Sur quel stage ? Selon quelles règles ? Le danger est grand.
Une mauvaise hiérarchie de l’information, et les joueurs passeront plus de temps à chercher leur mode préféré qu’à y jouer.
Beaucoup d’autres game designer ont trouvé la solution. En fait, elle leur a certainement été imposée. Avez-vous remarqué que sur les jeux distribués sur Xbox Live Arcade, les menus principaux ont tous tendance à se ressembler ? « Nouvelle partie », « Continuer la partie », « Aide et options », « Quitter le jeu » sont des expressions familières si vous avez acheté Braid, Banjo-Kazooie ou encore Spelunky sur la plateforme dématérialisée de Microsoft.
Pis encore, ces jeux ayant pris la bonne habitude de sortir sur d’autres consoles ainsi que sur PC, leurs conventions se diffusent de plus en plus. Au fond, cela se comprend, pourquoi changer son menu pour une sortie sur un autre support alors qu’il est déjà prêt et que cela coûterait à nouveau en frais de traduction ? Une fois qu’on y est entré, il n’y a pas de raison de sortir du moule.
Et pourtant, Sakurai nous le prouve ; l’interface n’est pas nécessairement un lieu de normes internationales. Ses menus ont une vraie patte : des boutons larges et colorés (pour une bonne différenciation des différentes sections), une hiérarchie en languettes (pour déterminer facilement si on se trouve en surface ou dans les tréfonds) ou encore des caractéristiques purement ludiques (comme permettre de jouer à bousculer les boutons dans Meteos). En plus d’offrir quelque chose d’unique au joueur, une telle interface titille la curiosité.
Au contraire, si l’on a déjà vu le même menu dans cinquante autres jeux, il y a peu de chance qu’on se pique de l’explorer, donc de profiter de tout ce que peut proposer le titre.
Soit, un effort d’originalité ne se fait pas sans accidents (celui de Rayman Legends, où chaque choix s’accomplit en déplaçant son personnage dans de trop longues allées, est une petite abomination) mais même une expérimentation hasardeuse vaut mieux qu’obéir aveuglément aux petits caprices des chantres du réglementarisme, tristes sires qui se sont aussi rendus coupables d’avoir coincé de vulgaires publicités dans les menus de la Xbox One.