Les Castlevania sur Nintendo DS, c’est comme le Printemps ou le Beaujolais nouveau : on les attend plus ou moins chaque année, et chaque année on ne manque pas d’en parler.
2005 vit la sortie de Dawn of Sorrow, « remix » plus que suite véritable d’Aria of Sorrow : même protagoniste, même sytème d’armement, un château plus ou moins similaire, l’on ne peut réellement parler d’un jeu différent. Il est même possible de croire que le titre était plus pour Konami une « excuse » pour s’essayer au double-écran de la DS, voire à l’écran tactile (même si celui-ci n’est finalement que peu exploité, le genre du jeu ne s’y prêtant guère) qu’une aventure à part entière. Portraits of Ruin, sorti en 2006 et Order of Ecclesia, sorti en 2008, peuvent en revanche être considérés comme des « suites » à part entière tant ils partent vers des directions parfaitement opposées.
Mais autant le dernier est une perle, autant le premier est… disons-le doucement, décevant.
Et si on le dit avec plus de fougue, c’est une sombre merde.
Je vais encore me faire taper sur les doigts…
Oui, l’on va encore me reprocher mon langage cru. Mais là, force est de constater que le jeu est très décevant pour un Castlevania, ou un Castletroid pour être plus exact. Alors oui, l’on va me dire que la critique a été élogieuse, que le jeu a été élu « Meilleur jeu » de l’E3 2006, que Metacritic lui donne un audactieux 85/100, etc. etc. Mais tout comme l’on sait que ces notes ne visent pas à rendre compte de la qualité absolue d’un jeu, mais bel et bien de sa qualité relative, notamment, vis-à-vis des autres titres, l’on peut en conclure que :
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La note n’est pas représentative de la qualité en elle-même du titre,
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Les testeurs ne sont vraiment pas regardants sur ladite qualité.
Je vais toutefois commencer par faire l’inventaire des qualités de Portraits of Ruin car je serai fou de déclarer qu’il n’en a aucune. Konami possède, quoi que l’on en dise, un certain degré d’exigence que ce titre ne trahira pas. Les graphismes sont donc particulièrement léchés, on retrouve même certains décors en « 3D » que Down of Sorrow avait inauguré, et les animations des héros et des bestioles sont particulièrement réussies.
Voilà, l’inventaire est dressé. Je n’ai jamais précisé qu’il était nécessairement long.
À côté de cela, l’on ne peut s’empêcher de penser à une seule et unique chose concernant le jeu : convention.
Convention au niveau des ennemis qui, s’ils sont justement agréablement animés, sont souvent des « copiés-collés » des bestiaires précédents. À vrai dire, sur l’habituelle cent-cinquantaine de bestioles que compte son épisode (une moyenne honorable), l’on va dire que moins d’une trentaine ont réellement été inventées pour cet épisode, et parmi ce chiffre une bonne moitié n’est qu’une variation de monstres déjà existants (un zombieplus fort, etc.). Et comme si cela ne suffisait pas, on retrouve leur répartition « classique », au sein de l’aventure, celle ayant été instaurée, plusieurs années auparavant, par Symphony of the Night.
Convention au niveau des environnements, et ce malgré les prémices qui auraient nous faire croire, précisément, à une nouveauté à ce niveau-là. En effet, le système de « portraits », soit autant de stages différents à arpenter, nous amenait à croire à une diversité sans égal. Hélas ! Non seulement le jeu se targue de proposer, à quatre reprises, la repompe d’une carte précédente, si ce n’est que les points d’entrée et de sortie diffèrent, mais les environnements proposés, à l’exception de celui qui fut tant mis en avant, à savoir le désert et la Grande Pyramide qui, je le concède, est sans doute le plus délicieux de tous, vont largement le long du chemin de la redite. Entre l’annexe du château qui rappelle les catacombes de Symphony of the Night, ou le monde du Chaos qui tente, maladroitement, de nous faire croire à un chapiteau, mais nous évoque davantage le « Jardin Suspendu » d’Aria of Sorrowou le Chaos de Dawn of Sorrow, l’originalité ne semble pas avoir été un des objectifs de l’équipe de production.
Convention au niveau des pouvoirs obtenus : la sacro-sainte glissade sera la première à dégoter, avant d’avoir le double saut, le vol, etc. etc. Allons, même Metroid a su faire preuve de meilleures idées malgré tout !
Bref, l’impression détestable d’avoir affaire à une énième variation de Symphony of the Night ne s’est pas faite démentir. Et si ce n’est quelques énigmes sympathiques, mettant en scène notamment les deux personnages simultanément (à deux reprises peut-être dans l’aventure ?) et l’avant-dernier boss, Brauner, dont la façon de se battre est, je le dois dire, particulièrement réussie, la pitance se fait maigre pour celles et ceux qui attendaient une révolution.
Et pourtant, que n’ai-je passé du temps sur ce jeu ! J’ai fait fi du character design américanisé à l’extrême et qui sied si mal à la série, j’y ai passé des heures, espérant, jusqu’à la fin, un retournement de situation, en vain. Je finissais par jouer sans y prendre plaisir, ce qui est malgré tout un curieux paradoxe, hélas ! de plus en plus répandu de nos jours. Je commençais à croire que le coup d’essai du genre, Symphony of the Night, était résolument un coup de maître, que rien ne pouvait égaler.
La lumière !
Comme j’avais trouvé, côte à côte, Portraits of Ruin et Order of Ecclesia à vil prix, je me décidai de donner sa chance au second, sans rien en attendre. Et après l’avoir, à nouveau, écumé mais cette fois avec un plaisir sans cesse renouvelé, je me suis rendu compte que décidément non, la formule n’avait pas été suffisamment éprouvée et que Konami avait encore des as dans leurs manches.
Car ce qui frappe quand on joue à Order of Ecclesia, c’est, précisément, la nouveauté.
Nouveauté au niveau du bestiaire : les proportions que j’ai citées précédemment se voient être parfaitement inversés. Et les nouveaux venus ne sont pas de simples variations, mais bel et bien des créatures parfaitement nouvelles, explorant les bas-fonds de nombreuses mythologies : gréco-romaines, scandinaves, orientales même, jamais les préoccupations mythologiques de l’Humanité, des Béhémoths jusqu’aux Créatures de Frankenstein n’avaient été aussi bien exploitées. Et les Boss sont les premiers touchés par cette remise en question : l’un d’entre eux, notamment, se combat sur pas moins de six écrans, dans une mise en scène que n’aurait pas renié un God of War puisque l’on est amené à le combattre à ses pieds, sous son ventre, dans son dos avant de finir, magistralement, sur son dos.
Nouveauté au niveau des aires de jeu : certes, les redites sont là. L’on n’échappera donc pas au fameux château de Dracula, avec sa bibliothèque, ses catacombes et sa tour de l’horloge, ni à la Cave des Squelettes que Harmony of Dissonance, notamment, avait exploité au combien. Mais à côté de cela, combien de fonds marins, combien de manoir de ville, combien de prisons, combien de monastères, combien de phares sont exploités ! Et le level design, à part quelques lignes droites paresseusement disséminées, de répondre toujours présent.
Nouveauté au niveau enfin de l’équipement et des pouvoirs, car le jeu nous oblige, et c’est une première, non pas à choisir entre magie et force brute, mais bel et bien à jongler constamment entre les deux. Car les bêbêtes sont tellement résistantes si l’on n’exploite pas leurs faiblesses que c’est une simple gageure que de vaincre le deuxième boss en fonçant dans le tas, sans recourir à l’élément auquel il est le plus sensible.
Il faut donc constamment, et ce d’une façon plus prononcée que dans tous les opus précédents, constamment faire appel à la magie (qui ici se recharge de façon automatique) et varier les plaisirs entre force brute et force « psychique » pour parvenir à ses fins.
Le jeu n’est pas, bien entendu, d’une perfection absolue, et s’avère même assez redondant quand on y regarde de plus près. La difficulté, largement revue à la hausse, est parfois à se taper la tête contre les murs, et il y a, finalement, que peu de secrets à découvrir, si ce n’est, bien entendu, le fameux château du comte qui peut être considéré comme un gros « secret » à part entière. Mais ses nombreuses qualités éclipsent bien volontiers ces quelques défauts. C’est parfaitement le contraire pour Portraits of Ruin, tiens donc.
Et le reste ?
Je ne sais résolument pas que penser de Konami pour ce qui est de ces deux titres. Car entre un Portraits of Ruin parfaitement convenu et, par là même, fade bien qu’étant intrinsèquement un jeu de qualité, et un Order of Ecclesia d’une nouveauté sans égal même si son apparence ne paie pas de mine, il est difficile de dégager de règle absolue concernant leurs productions. À croire, et à la vue de ce qui se fait ailleurs cela ne me surprendrait pas, à croire donc qu’il faut parfois que les créateurs se perdent sur des routes obscures, nous servent du réchauffé pour que, le coup suivant, et comme reposés par un projet à la qualité des plus contestables, ils puissent proposer quelque chose de grand.
Une règle, peut-être, se doit d’être édictée : ce n’est pas parce qu’une série est connue, reconnue et généralement de qualité qu’il faut faire la sourde oreille et avaler toutes les couleuvres avec le sourire. Et c’est précisément en faisant la fine bouche que l’on parviendra à avoir des jeux d’une profondeur toujours plus recherchée, et au plaisir toujours renouvelé.
Mathieu
About Mathieu Goux
Co-Responsable de Ze Player, Rédacteur sur Grospixels.com, Animateur sur Radiojv.com.
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