Connu pour sa série fleuve Yakuza, ou des titres tels que Monkey Ball et Daytona USA ( Arcade), l’un des plus fameux producteur de chez Sega était de passage lors du dernier Paris Games Week pour présenter son nouveau projet Binary Domain.
TPS musclé prenant place dans un Tokyo dévasté et infesté d’androïdes tueurs en 2080, qui a pour particularité d’offrir une relation vocale entre le joueur et les équipiers virtuels de l’escouade.
De quoi se poser quelques questions. Cela tombe bien, Nagoshi-San a les réponses.
Binary Domain reprend les codes du TPS occidental tant au niveau de son ambiance apocalyptique que son gameplay clairement orienté mature. Comment peut-il faire la différence avec les autres productions, notamment les ténors du genre.
Déjà, le contexte de Binary Domain rompt avec ce que les joueurs ont pour habitude de voir, vu qu’il se passe au Japon et ce en 2080. J’avais cette volonté justement de reprendre mon pays ; un terrain naturel que je connais particulièrement bien, tout comme mes congénères.
Je ne pense pas qu’un studio occidental soit capable de recréer ce Japon comme nous l’avons fait dans ce jeu. Là se pose une des différences de Binary Domain.
De la même manière que les japonais n’achètent pas des jeux faits par des occidentaux parce ce qu’ils ne se retrouvent pas dans l’ambiance ou les graphismes, les occidentaux n’achèteraient pas un jeu qui se passerait aux Etats-Unis dans un contexte similaire, mais fait par des japonais.
Est-ce que les occidentaux et leurs particularismes sauront apprécier ce jeu typiquement japonais ?
Oh oui ! Je pense que ces derniers seront très touchés par le nombre incroyable d’actions à réaliser avec l’intelligence artificielle et les personnages virtuels. Binary Domain se veut novateur. Pouvoir interagir avec ces derniers en utilisant sa voix est une expérience tout à fait inédite, d’autant qu’ils répondent plus ou moins bien en fonction de leur traitement.
A ce titre, l’on se rend compte que Binary Domain est un creuset de nombreuses influences. On vous sait particulièrement féru de cinéma, et on retrouve par exemple du Metropolis de Fritz Lang, tout comme des animés tels que Bubblegum Crisis, ou des jeux comme Snatcher qui ont pour thème la rébellion des androïdes contre l’humain.
Je ne peux le nier, et ce ne sont que quelques inspirations parmi tant d’autres. Je ne pourrai d’ailleurs toutes les citer.
On sent cette volonté d’anticipation, et de fait la violence du jeu n’apparaît pas comme gratuite. Les écrits d’Isaac Asimov vous ont-ils guidé dans ce sens?
La machine contre l’humain est un vieux sujet. Asimov est donc un inspirateur. Le fait que Binary Domain se déroule en 2080 autorise de nombreux fantasmes sur la relation homme/machine. Le Japon est depuis longtemps fasciné par la robotique. Quelque part c’est ma vision de ce que pourrait être l’avenir. Certes ce n’est pas très heureux (sourire).
Ce qui surprend dans Binary Domain c’est la commande vocale qui permet de diriger son équipe lors du combat. Mais si l’on traite mal ses membres, ceux-ci peuvent se rebeller.
En effet. Si vous êtes un bon meneur votre équipe vous soutiendra et ne sourcillera pas à vos ordres. Par contre, ils ont leur libre arbitre et peuvent vous renvoyer fiche. L’intelligence artificielle est élaborée de telle sorte que l’on a une vraie relation. C’est assez important pour le déroulement. Cela augmente l’implication du joueur qui devra faire les bons choix, sans quoi il devra se débrouiller seul, même s’ils continueront la mission : Il faut sauver l’humanité. Mais là ce sera sans votre commandement.
Justement, la boucle n’est-elle pas bouclée? Les coéquipiers étant virtuels et gérés par une machine et un programme ( sa console en somme), s’ils peuvent se retourner contre le propriétaire du jeu, alors n’est-ce pas une façon d’appréhender autrement Binary Domain?
Absolument. On découvre au fur et à mesure de la progression la rébellion de la machine, tout comme en pratique. D’ailleurs un de vos équipiers est un robot. Alors si celui-ci décide de ne plus répondre à vos ordres, le jeu prend une toute autre ampleur. C’est amusant que vous l’ayez souligné.
Ce concept d’intelligence artificielle qui vous sert de base de travail pourra t-il être repris dans vos projets futurs ?
Tout à fait. Je ne suis pas entièrement satisfait avec ce que l’on a fait et je veux voir plus loin. Nous travaillons d’ailleurs sur un prototype qui est bientôt finalisé. Binary Domain est une bonne expérience de travail qui nous ouvre des pistes formidables.
Tokyo, 2080, la robotique, des thèmes excitants mais en même temps qui dépeignent ce futur incertain et terrible. Est-ce que les événements de Binary Domain et quelque part ce thème « Asimovien » vous paraissent plausibles?
Si Binary Domain reste une distraction, il n’occulte pas les dangers éventuels de la technologie, ni même de la crise de nos sociétés ou les événements climatiques. Auriez-vous imaginé avoir dans votre poche un téléphone aussi performant, dépassant la puissance de certains ordinateurs pourtant pas si vieux. D’ailleurs n’êtes-vous pas étonné de l’évolution de la téléphonie en une décennie? Les téléphones ne servaient à l’époque qu’à téléphoner ils étaient mono tâche. Leurs écrans étaient monochrome, incapables d’afficher autre chose que de simples caractères. Aujourd’hui, un Smartphone sait tout faire et se rend indispensable. Nous ne sommes qu’en 2011, alors imaginez dans 70 ans !
J’ajoute que s’ils étaient réservés aux plus fortunés il y a de ça quelques années, désormais tout le monde en possède un. Concernant les robots, je pense que ce sera la même chose, et ce que nous voyons comme une formidable avancée technologique et inabordable aujourd’hui sera certainement archaïque ne serait-ce que dans 10 ans.
Il y a déjà des robots au Japon qui rendent service aux humains. De plus en plus perfectionnés, ils nous seront demain indispensables. Alors qui peut bien savoir ce que ces machines seront, surtout si leur intelligence artificielle les rend indépendantes.
Cela me fait peur quelque part, mais certainement que je ne serai plus de ce monde pour constater la catastrophe. ( rires).
Merci Nagoshi-San pour sa disponibilité et à Grégoire Hellot pour son travail de traducteur fort appréciable durant l’échange.
Jibé
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