Ça a fait le buzz. Eric Viennot, célèbre créateur de jeux vidéo, décoré du titre Chevalier des Arts et Lettres, a dans un billet d’humeur, pris à partie Mathieu Kassovitz suite à une interview que le réalisateur a donné pour le Nouvel Obs. N’ayant pas apprécié le ton et les propos de Kasso, Viennot s’est livré dans cette lettre ouverte.
La suite ne s’est pas faite attendre, Kassovitz a répondu avec véhémence aux assertions de Viennot, et ce directement sur le blog de ce dernier.
Joute terrible, échange de mots, un seul mot prime : Animosité. Et pourtant, est-ce que Eric est un sale type comme peut le penser Mathieu?
N’ayant pas apprécié une publication du site Gameblog.fr à ce sujet, réduisant son billet à un pamphlet contre les cinéastes, le créateur d’In Memoriam, tenait à expliquer une bonne fois pour toute, pourquoi il a écrit ce texte.
Bon allez Eric dis le nous. Qu’est ce qui t’a pris de t’en prendre de la sorte à Mathieu Kassovitz ? Pétage de plombs …Contrôlé ?
C’était un billet d’humeur comme j’en ai écrit d’autres auparavant. Le fait que Mathieu Kassovitz ait répondu directement lui a donné soudain un retentissement que je n’avais pas calculé. Du coup c’est devenu un billet contre lui, ce qui n’était pas mon intention en l’écrivant.
J’ai fait l’erreur, je pense, de mélanger dans le même billet premier et second degré (les rajouts entre parenthèses qui n’ont pas été forcément compris comme tel). Ceux qui me connaissent ou qui me lisent régulièrement ont su faire la part des choses. Je comprends que les autres, en tombant dessus comme ça, aient pu se méprendre. Ceci étant dit, le nombre et la passion des commentaires autour de ce billet et plus généralement du jeu Heavy Rain, prouvent que cela touche un sujet de fond sur les rapports compliqués entre le jeu vidéo et le cinéma.
Tes propos sont durs, d’aucun pourrait les interpréter comme blessants. Second degré ou réel règlement de compte?
Encore une fois, les mots entre parenthèse c’est du second degré. Il ne s’agit pas d’un règlement de compte mais juste d’une mise au point : je ne pouvais pas laisser passer certaines inexactitudes dites par Mathieu Kassovitz. Sur le fond, je pense que le jeu vidéo doit continuer à creuser sa spécificité, non se rapprocher du cinéma.
Cela dit, les talents venus d’autres domaines sont tous les bienvenus. Mon billet se terminait d’ailleurs par une invitation qui a été totalement occultée dans les commentaires à cause du reste.
Tu donnes l’exemple de Spielberg avec Boom Blox comme jeu réussi car il s’éloigne de la production dite cinématographique. Vu ce que tu dis de Kasso, veux tu dire qu’il n’a aucune chance de réussite s’il tentait sa chance ?
L’exemple de Spielberg est extrêmement parlant. Voilà un cinéaste immense qui s’intéresse depuis de longues années au jeu vidéo. Quand il aborde le jeu vidéo, il le fait en respectant sa spécificité (Ndlr : Il a écrit le scénario de The Dig sur PC ) . Malgré son immense talent de cinéaste, il a pris ce média avec humilité parce que faire un jeu vidéo (même un film interactif) ce n’est pas pareil que faire un film.
C’est une démarche louable et c’est à mon avis la meilleure façon de ne pas se planter. Quand à Kassovitz, je ne vois pas pourquoi il n’aurait pas lui aussi une chance de réussir dans le domaine du jeu vidéo. Si j’avais un conseil à lui donner ce serait de s’entourer d’un bon game designer et de se rapprocher d’un studio de développement car un jeu ne se produit pas comme un film.
Toujours copain avec David Cage qui pourtant flirte allègrement avec le cinéma depuis Fahrenheit?
J’ai beaucoup de respect pour David. C’est un type extrêmement persévérant et visionnaire sur certaines choses (il a su voir, par exemple, avant tout le monde, l’importance des techniques de motion capture pour la nouvelle génération de consoles). Sur le fond, on défend tous les deux l’idée que le jeu vidéo doit évoluer, passer à l’âge adulte, se risquer à aborder des thèmes comme l’amour, le deuil, la sexualité, la politique, les relations sociales, familiales, etc…
David est fasciné par le cinéma et pense que c’est en s’en approchant le plus possible qu’il parviendra à cela. Je ne suis pas complètement d’accord avec lui sur ce point. Quand il dit sur son blog qu’il n’y a pas dans notre industrie de talents comme Mathieu Kassovitz ou Terry Gilliam, je ne suis pas d’accord non plus. Même s’ils travaillent pour certains dans l’anonymat depuis 10 ou 20 ans, il y a plein de gens géniaux capables à la fois de faire du game design, de programmer, de modéliser et d’animer.
C’est avant tout à eux que j’ai pensés en écrivant ce billet. Je sais combien créer un jeu est une chose difficile et compliquée, à mon avis beaucoup plus compliquée qu’un film. Et même si, dans mon panthéon personnel, un film comme Brazil occupe une place importante, un jeu comme Ico figure également en bonne place. Et je suis persuadé que dans 50 ou 100 ans l’icône culturelle qui restera de la fin du XX ème siècle sera Super Mario.
Vu que tu ne l’as pas épargné, pas trop blessé des dires de Kasso te concernant, comme quoi tu serais un jaloux de Cage?
C’est tellement ridicule que j’ai été beaucoup plus gêné pour Mathieu Kassovitz.
Allez, vous allez bien vous rencontrer, boire une bière et faire la paix qui sait devant un projet commun…
Toujours partant pour boire une bière. Mais je peux comprendre que Kasso n’en ait pas forcément très envie.
Propos recueillis par Jibé
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Scribouillard dans des zines de JV et éternel amoureux de jeux nippons insensés I
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